Après moult débats sur la nécessité de revenir au week-end universel, ne serait-ce que pour des raisons économiques, c'est finalement la firme transnationale Mittal Steel activant dans la zone sidérurgique de Annaba qui fera le premier pas, en faisant de vendredi et samedi (au lieu de jeudi et vendredi) les jours du repos hebdomadaire. Une firme internationale est, il est vrai, plus à l'aise pour opérer un tel changement, les gestionnaires n'ayant d'ordres à recevoir que de leur conseil d'administration et des actionnaires ayant pratiquement tous élu domicile sous d'autres cieux (Inde, France, USA). En dehors de la valeur des dividendes que rapportent leurs actions, les managers et les propriétaires du complexe sidérurgique d'El Hadjar n'ont pas du tout l'intention de se préoccuper de dogmes qui peuvent s'avérer ruineux, notamment quand ils savent que ces dogmes, qui relèvent beaucoup plus d'une manipulation politicienne, ne reposent sur aucun fondement religieux. Le week-end jeudi et vendredi, instauré en 1976 dans la foulée des débats sur la Charte nationale, est un bel exemple de ces dogmes inutiles et ruineux que seuls des gouvernements rentiers peuvent s'offrir. Les pertes évaluées selon les experts entre 750 millions de dollars (CNES) et 4 milliards de dollars (Banque mondiale) par an sont colossales. Cela n'a toutefois pas suffi à créer au niveau des gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays le consensus requis pour revenir au week-end universel. Pire que cela, les autorités algériennes n'ont même pas fait le geste de bonne gouvernance, qui aurait consisté à faire une évaluation chiffrée, de 1976 à ce jour, du week-end en sa forme actuelle. Comme s'ils craignaient d'être pris en flagrant délit de déficit de religiosité, nos gouvernements ont fait de cette question purement économique un véritable tabou. Aucun changement dans ce domaine n'est de ce fait à attendre de leur part, ni du reste du secteur des entreprises publiques qui continuent à être sous leur contrôle. Ce n'est donc pas un hasard si le premier changement dans le sens d'un retour au week end universel est opéré par une société privée, de surcroît, d'envergure mondiale. Tout porte à croire que d'autres entreprises de droit privé ne tarderont pas à la suivre sur cette voie, le retour au week-end universel ayant été souvent revendiqué par l'écrasante majorité d'entre elles et plus fortement encore par leur association, le Forum des chefs d'entreprise (FCE). Les chefs d'entreprise en relation d'affaires avec des partenaires installés à l'étranger se plaignent, à juste titre, de ne pouvoir fonctionner avec le reste du monde que trois jours par semaine (jeudi et vendredi étant chômés en Algérie, samedi et dimanche n'étant pas travaillés dans l'écrasante majorité des pays partenaires). Ils ont par ailleurs émis des doléances sur le fonctionnement anarchique des banques qui ne travaillent pas samedi, alors que les Douanes sont ouvertes, mais celles-ci sont au repos le jeudi alors que les banques sont ouvertes. Autant de jours perdus pour les entreprises et les hommes d'affaires qui veulent opérer des transferts ou dédouaner des marchandises. Les décalages horaires avec les pays partenaires géographiquement éloignés et les fêtes nationales qui souvent empiètent sur les jours ouvrables exacerbent encore davantage les inconvénients dans les relations commerciales que les opérateurs algériens entretiennent avec le reste du monde. Le retour au week-end universel ou, au minimum, son aménagement (vendredi-samedi) est par conséquent une nécessité. Le constat est si criant que pratiquement tous les partis, hormis ceux de la mouvance islamique, sont acquis au changement, d'autant plus que peu de pays sont aujourd'hui arc-boutés sur ce dogme qui, en réalité, ne repose sur aucun texte fondateur de l'Islam interdisant à un musulman de ne pas travailler le vendredi, la prière et le prêche qui l'accompagne ne requérant qu'une à deux heures de temps. Si le changement en matière d'organisation du repos hebdomadaire peut effectivement être engagé par les entreprises privées sans que cela pose de problèmes juridiques, il n'en est malheureusement pas de même pour les administrations publiques, rigoureusement régies par les règles de la fonction publique qui ne reconnaît que le week-end organisé en sa forme actuelle. Tout changement requiert l'abrogation du présent décret et la promulgation d'une nouvelle loi par le gouvernement. Ce dernier aura-t-il le courage politique de le faire ? La rente pétrolière que procure la production d'hydrocarbures qui ne connaît pas de jours fériés (Sonatrach pompe du pétrole chaque jour que Dieu fait) ne les inciterait-elle pas cette fois encore à reporter ce réaménagement tant attendu ?