La plupart des ambassadeurs en poste à Alger sont invités par Mittal Steel Annaba, ce vendredi, pour une visite guidée à l'intérieur du complexe sidérurgique d'El-Hadjar. C'est ce qu'a affirmé une source proche de la direction du complexe, qui a ajouté qu'il est aussi prévu un “voyage guidé” de cette importante délégation à El-Kala. Une initiative dont rien n'a filtré sur les motivations exactes et pourquoi en cette période de l'année. Toutefois, on ne peut omettre qu'elle suscite des questions importantes surtout que cela survient à un moment où d'imminents changements sont attendus au niveau local et aussi mondial pour l'entreprise mère, Arcelor Mittal. Selon nos sources, c'est surtout un indicateur de l'imminence de grandes décisions qui devront toucher toutes les infrastructures du complexe et qui ne devraient pas satisfaire l'Etat algérien. On parle même d'un probable licenciement de 2 600 employés du complexe (qui en compte 8 600). Une situation qui ne peut qu'obliger les Indiens (propriétaire d'Arcelor-Mittal) à rechercher d'avance des appuis auprès des chancelleries étrangères. Les “chamboulements” attendus ont déjà commencé à pointer leur nez. Le dernier en date remonte à une semaine avec la décision unilatérale de la direction du complexe de choisir vendredi et samedi comme “ses” jours de repos. Un “événement” qui a suscité moult réactions et qui a remis sur le tapis la polémique du week-end universel. Aux applaudissements du FCE (le Forum des chefs d'entreprise), répondaient les critiques du Haut-Conseil islamique et du Parti des travailleurs. Louisa Hanoune, lors du dernier conseil national du PT, avait parlé de “dérive” en dénonçant la politique du fait accompli et l'absence de l'Etat sur ce sujet. La porte-parole du Parti des travailleurs avait même lancé une boutade : “Qui nous garantit que demain on ne nous imposera pas le bouddhisme comme religion d'Etat ?” Mme Hanoune a surtout mis le doigt sur la puissance grandissante de la firme indienne en Algérie depuis son installation, il y a de cela presque 6 ans. Il faut dire que les faits lui donnent raison. Ce ne sont pas les seules facettes du lobby “mittalien” dans le pays. En plus du secteur minier, elle est sur plusieurs autres projets d'investissement touchant le secteur énergétique. Le sport roi a aussi eu sa “part” puisque l'entreprise est le principal sponsor de l'USMAn qui vient d'accéder en division une. D'ailleurs, on ne peut aussi omettre que Mittal Steel est carrément la seule entreprise (nationale ou étrangère) qu'on retrouve dans le sigle d'un club algérien, en l'occurrence l'UMSD (Union de Mittal Steel de Dréan), sociétaire de la division 2. Cette puissance de Mittal Steel en Algérie n'est pas une première pour le géant mondial de la sidérurgie. Dans plusieurs pays, il est accusé d'avoir des pouvoirs colossaux au détriment des gouvernements locaux. C'est surtout en Afrique que les accusations fusent depuis plusieurs années déjà. Ainsi, au Liberia, une rupture a failli se produire entre le pouvoir local et la firme indienne. En septembre 2005, l'ONG Global Witness avait utilisé le terme précis d'“Etat dans un Etat” dans un rapport établi sur l'accaparement de Mittal Steel des ressources minières du pays. Abondant dans le même sens, dès son investiture, la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, avait renégocié le contrat appelé “accord de développement minier” signé entre le gouvernement local et la firme indienne en août 2005. Elle avait exprimé des réserves quant à l'équité de ce contrat dont l'une des clauses stipulait que l'Etat libérien ne pouvait avoir que 30% des parts du projet. Ceci ne peut que nous rappeler les… 30% que l'Etat algérien a du complexe sidérurgique d'El-Hadjar, laissant les 70% à Mittal Steel Annaba. De là à dire que le contrat signé entre l'Etat algérien et les Indiens sera remis en cause, voilà un pas que rares sont ceux qui l'ont sauté. Pour le moment, la puissance de Arcelor Mittal en Algérie (comme d'ailleurs dans les autres pays du monde où elle est implantée) ne peut qu'aller crescendo avec la forte croissance de la demande d'acier mondiale (évaluée à 5% par an en moyenne depuis dix ans). D'ailleurs, en décembre dernier, Lakshmi Niwas, le patron de Arcelor Mittal, s'était déplacé à Alger pour s'entretenir avec le président Bouteflika dans l'optique d'un partenariat dans l'exploitation du minerai de Gara Djebilet (Tindouf). Un projet d'une importance primordiale et qui est la visée de plusieurs multinationales. Salim KOUDIL