Je suis la fée papillon, je vous invite à écouter les problèmes de la planète Terre », introduit la fillette de 5 ans. La scénette se passe dans un parc dépendant du ministère de la Jeunesse et des Sports et attribué pour l'occasion à l'école maternelle Zénith à Tixeraïne. La fée s'écarte pour laisser place à un petit garçon qui dit : « Je suis le singe, j'ai peur et je m'inquiète. » Un autre prend le relais et dit : « Je suis l'éléphant d'Afrique, je ne suis plus en sécurité. » Avec force gesticules et grimaces de circonstances, les enfants de l'école poursuivent leur scène de théâtre, à l'abri des regards indiscrets. A l'âge où l'on joue au chat et à la marelle, les enfants des années 2000 jonglent avec la couche d'ozone, s'émeuvent des ordures souillant leur environnement et composent le temps d'un parcours scolaire avec les problèmes que leurs aînés leur ont légués. L'initiative revient à la directrice de la maternelle, Mme Djermane Nabiha. Quelque peu scandalisée des ordures qui jonchent le pourtour de l'école, sa première initiative a consisté à créer un environnement sain et dénué de déchets dans les environs de l'école. Ses attaches auprès du wali et du P/APC pour mettre du bitume sur les voies et créer un accès digne de soi ont poussé la directrice à agir de façon plus concrète. Et d'agir durablement avec la certitude qu'en retour il y aura récompense. C'est dans ce sens que Mme Djermane a bataillé pour éduquer les enfants dont son école avait la charge sur les questions relatives à l'environnement et à l'écologie. Un sourire se lit sur son visage à l'instant où les enfants poursuivent leur scène de théâtre. Spongieux et malléable avant l'adolescence, c'est sur ces caractéristiques que la directrice s'appuie pour marquer au fer rouge ces questions qui touchent à l'environnement. La scène de théâtre se poursuit et l'un des enfants déclare : « Les hommes deviennent fous, ils sont inconscients et égoïstes. » La directrice et la maîtresse qui les guident ont les lèvres qui bougent et récitent le texte en même temps que ces acteurs en culotte courte. Quand l'un d'eux oublie son texte, elles susurrent encore plus fort et la scénette reprend. « En début d'année, je me suis aperçue à quel point déjà les enfants étaient acteurs de leur environnement. Nous en avons discuté ensemble et on a convenu de faire un concours pour le meilleur reportage. Nous avons appelé les parents à participer en prenant des photos de leur cités ou de leurs rues et de cibler les ordures et toutes formes de pollutions. Cela a très bien marché et des enfants se sont révélés être de véritables journalistes », commente Mme Djermane. Les dés sont jetés et plus rien ne pouvait arrêter l'école maternelle Zenith dans son élan écolo. Fière de ses chérubins et de leur capacité extraordinaire d'appréhension, elle leur commande de s'exprimer sur la question de l'environnement. Un tour de table mettra en évidence la nette compréhension des enfants sur les dangers qui menacent la Terre et ses écosystèmes. « Mon père a déjà jeté un gobelet de la fenêtre de sa voiture », avoue un enfant. « Il faut lui dire que ce n'est pas bien et surtout lui expliquer pourquoi ce n'est pas bien. Pourquoi ce n'est pas bien de jeter les ordures ailleurs que dans les endroits qui leur sont attribués ? Allez, répondez », interroge la directrice. Les doigts se lèvent encouragés par l'élan de la directrice. « Ce n'est pas bon pour la planète et ça aide la pollution », répond un enfant innocemment. Mme Djermane est installée à Tixeraïne depuis trois ans. Elle enseigne depuis 1969 et s'est spécialisée dans la petite enfance. Elle a participé à des recherches en anthropologie sociale et culturelle. Elle a par ailleurs participé à l'élaboration d'un guide de sociologie pour la formation des enseignants dans le secondaire. Les enfants ne font pas que mêler art dramatique et environnement, ils nettoient de temps en temps la petite forêt, qui peut vite être envahie par des détritus jetés par des bidonvilles qui la jouxtent. « Le directeur de l'Institut national de formation des cadres fait ce qu'il peut pour que la petite forêt soit propre mais c'est sans compter sur les habitations du coin qui jettent leurs ordures à tout va », explique Mme Djermane. En véritables artistes écolos, les enfants ont construit avec une artiste expérimentée, Djawida Lamri, des maquettes de la Terre mise en broche et qui tourne sur des braises brûlantes. Une autre maquette représente l'Algérie et la désertification, tandis qu'une autre fait office de pollution marine où phoques et crustacés cohabitent avec mégots de cigarettes et ordures en plastique. Mme Djermane, en plus de se faire assister par Djawida Lamri, a persuadé le peintre Hammouche Nordine de travailler la peinture avec les grandes sections. L'artiste vient une fois par semaine et a pu initier certains à l'art pictural. C'est ce que Mme Djermane appelle l'approche par compétence avec une finalisation concrète. A la fin de la scénette, la fée papillon revient et en appelle les hommes pour sauver la planète.