Résumé de la 6e partie n Barbara se mit à décrire, pour Elsie, des invités prestigieux aux toilettes somptueuses, mais qu'elle semble être seule à voir. A présent, poursuit la gouvernante, remarquez la grâce de leurs mouvements, la folle et charmante précipitation de leur vol, la souplesse de leurs antennes qui est un langage, la gentillesse de leurs attitudes. N'est-ce pas, Elsie, que c'est là une fête inénarrable et que toutes les autres créatures sont laides, monstrueuses et méchantes en les comparant à celles-ci ? — Je dirai tout ce que vous voudrez pour vous faire plaisir, répondit Elsie désappointée, mais la vérité est que je ne vois rien ou presque rien de ce que vous me décrivez avec tant d'enthousiasme. J'aperçois bien autour de ces fleurs et de cette lampe, des vols de petits papillons microscopiques, mais je distingue à peine des points brillants et des points noirs, et je crains que vous ne puisiez dans votre imagination, les splendeurs dont il vous plaît de les revêtir. — Elle ne voit pas ! elle ne distingue pas ! s'écria douloureusement la fée aux gros yeux. Pauvre petite ! J'en étais sûre ! Je vous l'avais bien dit, que votre infirmité vous priverait des joies que je savoure ! Heureusement, j'ai su compatir à la débilité de vos organes ; voici un instrument dont je ne me sers jamais, moi, et que j'ai emprunté pour vous à vos parents. Prenez et regardez. Elle offrait à Elsie une forte loupe, dont, faute d'habitude, Elsie eut quelque peine à se servir. Enfin, elle réussit, après une certaine fatigue, à distinguer la réelle et surprenante beauté d'un de ces petits êtres ; elle en fixa un autre et vit que miss Barbara ne l'avait pas trompée : l'or, la pourpre, l'améthyste, le grenat, l'orange, les perles et les roses se condensaient en ornements symétriques sur les manteaux et les robes de ces imperceptibles personnages. Elsie demandait naïvement pourquoi tant de richesses et de beauté étaient prodiguées à des êtres qui vivent tout au plus quelques jours et qui volent la nuit, à peine saisissables, au regard de l'homme. — Ah ! voilà ! répondit en riant la fée aux gros yeux. Toujours la même question ! Ma pauvre Elsie, les grandes personnes la font aussi, c'est-à-dire qu'elles n'ont, pas plus que les enfants, l'idée saine des lois de l'univers. Elles croient que tout a été créé pour l'homme et que ce qu'il ne voit pas ou ne comprend pas, ne devrait pas exister. Mais moi, la fée aux gros yeux, comme on m'appelle, je sais que ce qui est simplement beau et aussi important que ce que l'homme utilise, et je me réjouis quand je contemple des choses ou des êtres merveilleux dont personne ne songe à tirer parti. Mes chers petits papillons sont répandus par milliers de milliards sur la terre, ils vivent modestement en famille sur une petite feuille, et personne n'a encore eu l'idée de les tourmenter. (à suivre...)