Le conseil de gouvernement, qui s'est réuni hier, a examiné et approuvé deux projets de décrets présidentiels présentés par le ministre de l'Education nationale. Tizi Ouzou. De notre bureau Ils portent sur la création d'une académie de la langue amazighe et d'un conseil supérieur de la langue amazighe. Ces initiatives, a indiqué un communiqué du gouvernement, « consacrent la ferme volonté des pouvoirs publics d'accorder à cette dimension de notre identité nationale toutes les conditions aptes à lui permettre d'occuper la place qui lui revient dans notre société ». Mais que pensent les animateurs de la mouvance berbère d'une telle initiative ? Pour Mouloud Lounaouci, président du MCB : « C'est toujours quelque chose de positif. » Selon lui : « Toute initiative dans ce sens participe au renforcement et au développement de la culture amazighe, sauf qu'on crée un contenant sans que l'on sache ce que deviendra le contenu. » Il ajoutera : « Ce type de structures se juge sur la composante humaine, les moyens mis par l'Etat et sur les objectifs assignés. Nous n'avons idée sur aucun des trois éléments. Il nous est donc difficile de nous prononcer. » Saïd Boukhari, animateur de la même mouvance, dira de son côté : « Par rapport à l'académie, si elle ne joue pas le rôle d'une chambre d'enregistrement, nous saluons sa création. On aurait aimé en plus un centre d'aménagement linguistique qui se penchera sur le développement de la culture amazighe. Ceci dit, on ne fait que dans la réparation de l'histoire dès lors que cela devrait être fait depuis 27 ans, lorsque le problème a été posé publiquement. Donc, le pouvoir n'a fait qu'aggraver la situation. Aujourd'hui, il n'a rendu que justice en créant cette académie. D'autres institutions doivent suivre. Quant à ce haut conseil, si l'on fait un conseil de figurants ou de clientèles du pouvoir, il ne servira à rien. » M'hand Amarouche, enseignant à l'université de Tizi Ouzou, estime pour sa part qu'« une académie ne se crée pas au niveau d'un ministère. Il faut qu'il y ait des objectifs clairement bien définis ». Et de s'interroger : « Quelle est la composante de cette académie ? Si on veut faire les choses sérieusement, qu'ils clarifient la composante et désignent des personnes aptes à assumer la tâche. » Brahim Tazaghart, militant de la cause, estime pour sa part que puisque « la décision est prise, le débat concerne maintenant les meilleures voies à même de promouvoir la langue amazighe ». Selon lui, il aurait été souhaitable d'instituer un centre d'aménagement linguistique de par sa souplesse. « Elle sera plus efficace que l'académie qui nécessite réellement un encadrement colossal, de gros moyens et une volonté politique sans faille. Avons-nous les moyens pour encadrer une académie de standard universel ? J'estime que l'objectif n'est pas de s'offrir des institutions de prestige qui risquent la paralysie à l'avenir », analyse-t-il. De son côté, Saïd Chemakh, universitaire, considère : « C'est une très bonne chose. L'article 3 bis de la Constitution énonce que tamazight est également langue nationale. Donc, on obéit à un principe d'égalité que la langue arabe. Dans ce cas, tamazight doit avoir les mêmes institutions que la langue arabe. Depuis 1962 à 2002, les textes officiels n'ont pas reconnu tamazight officiellement. Cela veut dire que l'Etat a commis des erreurs et qu'il faut une réparation au niveau symbolique et matériel. Si tamazight n'est pas prise en charge sur le plan institutionnel par l'Etat, elle est condamnée à disparaître. » Abdenour Abdeslam, linguiste, abondera pratiquement dans le même sens : « Chaque fois qu'une nouvelle institution étatique est mise en place pour servir la langue amazighe, je ne peux qu'applaudir mais avec toute la réserve nécessaire, car nous avons été quelque peu échaudés par le passé. Mais c'est une initiative que j'encourage, bien entendu. »