L'inventaire engagé depuis plus d'une année pour la révision du patrimoine communal a révélé des pertes considérables et un manque qui se chiffre à des centaines de milliards perdus à jamais. En attendant de finaliser le nouveau sommier de consistance, les services concernés détiennent les rapports révélant des écarts importants dans la liste des biens, revue à la hausse pour atteindre plus de 2700 unités, dont la part du lion revient aux locaux commerciaux. Une réserve en location qui a rapporté plus de 5 milliards de dinars seulement pour les dix premiers mois de l'année en cours. Ce qui représente une amélioration de 300% pour la recette fiscale de la ville de Constantine. Du jamais vu. En effet, le bradage qui a marqué la décennie écoulée semble freiné par la nouvelle équipe de l'assemblée communale, qui tente tant bien que mal de faire face aux appétits et sortir les meubles du bourbier pour mieux gérer ses propriétés. L'opération de révision placée parmi les premiers chantiers entamés a pris du temps justement à cause du désordre dans lequel était plongé le secteur, mais encore à cause des obstacles érigés par des volontés qui n'ont pas intérêt à ce que les choses soient organisées et qui se trouvent parfois à l'intérieur même des services de la commune, tel que révélé par Mme Bellil, vice-présidente chargée du patrimoine. Un constat qui se base sur les résultats des enquêtes et les découvertes qui frôlent parfois l'absurde, à l'image de locaux commerciaux exploités par des particuliers mais qui ne génèrent pas le moindre sou pour la commune depuis... 1962. En matière d'exemple, les centaines de stands créés dans les souterrains, loués à des jeunes chômeurs durant le mandat précédent, illustrent le laxisme des élus, voire leur complicité. Les opérations récentes ont démontré à l'occasion que des dizaines de stands n'étaient même pas portés sur les registres du patrimoine. De quoi s'interroger sur le sort des sommes payées par ces exploitants et qui ne sont jamais parvenues dans les caisses de la collectivité, sans parler des impôts non perçus pendant des années. Par ailleurs, d'importantes infrastructures ont failli glisser entre les mains de la collectivité toujours à cause du laxisme. C'est le cas des salles de cinéma de la ville, à savoir El Anour, le Rhumel, l'Olympia, El Andalous, ou encore la cinémathèque Cirta. Toutes ces salles font l'objet de contentieux juridiques entre la commune et leurs exploitants qui, pour la majorité, les ont détournées de leur vocation, à l'exception de la Cinémathèque détruite par un incendie en 1996 et qui reste fermée pour un problème différent. Le rapport présenté à ce sujet par le directeur de la culture lors de la dernière session de l'APW dressait un tableau noir de la situation des salles de cinéma à Constantine. Il se basait, cependant, sur des informations datant de 2001 et qui n'ont pas été actualisées. Le rapport a été pourtant entériné, prouvant encore une fois la légèreté avec laquelle on traite les dossiers de la culture mais aussi le peu de rigueur réservée aux questions du patrimoine. L'histoire du grand local transformé en boutique par Wataniya, qui l'a acheté auprès d'un particulier, aurait pu devenir un scandale n'était la sagesse de l'APC qui a préféré régler le problème à l'amiable. En effet, le local appartient à la commune qui l'a loué à un commerçant. Ce dernier, après avoir acquis le droit au fonds de commerce, l'a vendu à un autre commerçant qui l'a à son tour cédé à l'opérateur téléphonique contre une somme considérable. Jusque-là rien d'irrégulier puisque le code de commerce réserve le droit aux propriétaires du fonds de commerce de vendre comme il leur plaît. « Toutefois, le hic, explique Mme Bellil, est que le second acquéreur n'a pas le droit de changer d'activité dans ce cas sachant que le local abritait une pâtisserie. » Sitôt découverte l'infraction, les responsables de la commune ont demandé à Wataniya de surseoir au paiement du loyer jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée afin de régulariser la situation du local. Dans le cas contraire, la commune sera encore perdante et la saignée va se poursuivre malgré les efforts. Il est à noter cependant qu'une solution durable est en cours d'élaboration au niveau des services du patrimoine, à savoir l'informatisation des registres. « Une solution qui s'impose », selon les élus.