Pourquoi, bonté divine, les musulmans d'aujourd'hui demeurent-ils coincés entre le legs des premiers musulmans et le legs colonial ? Pourquoi refuser de poser les questions qui devraient trouver réponse tôt ou tard ? Entre autres, s'interroger si la démocratie musulmane a existé, existe ou existera-t-elle un jour ? En effet, il y aura toujours quelqu'un pour poser la vraie question qui nous subjugue aujourd'hui, partout en terre d'Islam : L'Islam a-t-il vocation à porter une nationalité ? Car, il ne faut jamais l'oublier, les ténors du terrorisme international rêvent d'un Etat islamique mondial (ou musulman, nous y reviendrons sur cette grave erreur épistémologique). Ce rêve est-il légitime par rapport, non pas aux musulmans, mais au Coran et à la sainte tradition prophétique : c'est la grande question qui intéresse tout le monde religieux et laïc. Voyez que nous sommes tout de suite rattrapés par l'histoire de Dar El Islam et Dar El Koufr, très dangereuse pour la paix et la sécurité internationales issues des rapports de force contemporains. Si l'on veut lutter efficacement contre le terrorisme international, d'obédience islamique, il faut absolument déconstruire politiquement ce rêve fou parce que l'histoire ne s'écrit pas à reculons. A charge pour les Etats musulmans, et c'est leur droit, de construire des espaces internationaux de défense de leurs intérêts avec les langages de notre temps : un territoire économique commun, une monnaie unique, une politique de sécurité et défense collective, etc. Face à la triste réalité qui montre que nous ne jeûnons même pas à la même date avec les instruments modernes d'observation de la naissance des croissants lunaires, calculée à la nanoseconde près. Ces mêmes instruments que vous ne pouvez utiliser qu'avec l'œil humain à tous les stades du calcul du labo jusqu'à l'observation physique du croissant naissant à telle date, à telle heure fixe, à travers un télescope astronomique. Allez expliquer cette évidence aux savants de notre époque ! Déja une constitution à Médine Peu d'entre nous savent que Mohammed (QSSSL) a posé une Constitution écrite à Médine composée de vingt-cinq articles traitant des relations entre les Médinois musulmans et non musulmans. La question qui viendrait à l'esprit, après ce constat, est celle de savoir quelle était l'autorité chargée de veiller à l'application de cette Constitution ? En d'autres termes, Mohammed (QSSSL) se considérait-il, à lui seul, comme l'Etat des Musulmans ? En vérité, nul d'entre nous ne peut valablement poser et répondre à cette question, car elle n'a aucun intérêt. Le Coran, se suffisant à lui-même, a marqué de son empreinte, l'empreinte d'Allah, la place de notre Prophète parmi les croyants de son vivant, pour ne pas avoir à la chercher, parmi nous aujourd'hui, après sa mort. Garder à l'esprit qu'Allah Le Tout-Puissant l'a associé dans toutes les prières des musulmans (obligatoires et surérogatoires) suffit à lui obéir aujourd'hui même et l'aimer plus que tout autre être, si cher soit-il. Cela aussi bien dans le domaine du culte que de la culture, mais à l'heure d'aujourd'hui, avec les contingences d'aujourd'hui. Le modèle Mohammed est le modèle humain le plus parfait que la terre ait porté, n'en doutez pas une seconde. Certes, nous y sommes très loin de tout point de vue économique ou social. L'Islam et l'état La question de l'Etat s'est posée après la mort du Prophète (QSSSL). L'histoire a retenu les modes de succession des califes éclairés, les péripéties politiques des uns et des autres, les intrigues de palais et autres histoires et ruses des musulmans pour se passer le témoin à travers les siècles jusqu'à la disparition du dernier empire qui incarnait l'Union des musulmans du monde entier : l'Empire ottoman. Les échecs et cassures entre chiites et sunnites etc., les crimes politiques ont été légion. Les sectes des assassins ont existé dans l'empire de Baghdad (cf Les Croisades d'Amine Malouf). Les fanatiques refusent une autre évidence : cette histoire de l'Islam est l'œuvre des humains qui se sont soumis à cette religion ; à ce titre, elle doit être acceptée en tant que telle ; une œuvre humaine multiséculaire regorgeant de qualités et pleine de défauts attachés à la nature humaine. Ni Allah ni Mohammed (QSSSL) ne nous ont demandé plus que la coexistence humaine (bienséance et préséance dans la tolérance) des idées, des projets, et, d'une manière générale, de l'action de tous les jours, des hommes et des femmes qui forment la communauté humaine, à la différence du règne animal, plus tôt bien ordonné par Allah lui-même, qui nous invite à nous y inspirer. En un mot, il nous est demandé d'être musulman et pas islamique, la différence n'est pas qu'épistémologique, encore une fois. Depuis cette date, les musulmans, après la période funeste du colonialisme, errent à travers les idéologies pour trouver leurs repères dans le monde. Entre-temps, et depuis le xvie siècle grégorien, l'Etat national moderne est né en Occident pour balayer le féodalisme qui a fait tant de mal aux Occidentaux eux-mêmes, associé au mal de l'Eglise absolument incomparable aux bienfaits de la mosquée qui a toujours été l'université du peuple. Avec la naissance de l'Etat national et donc de la nationalité des individus et des biens, les musulmans, après le mouvement des indépendances nationales, n'ont pu mieux faire que reconduire et garder les schémas d'organisation étatique des anciennes puissances coloniales, principalement européennes. Entre-temps va se creuser un océan d'incompréhension entre les administrateurs et les administrés qui va amener ces derniers à refuser en bloc, le système d'administration publique jugé corrompu et non conforme au droit musulman dont ils ont un vague souvenir oral. Les sciences musulmanes ont été revivifiées depuis. (A suivre)