Le procès relatif à l'affaire du séisme du 21 mai 2003 qui devait débuter hier à la salle des conférences de l'université M'hamed Bougara de Boumerdès, aménagée en tribunal pour la circonstance, a été reporté au 10 juillet prochain, à la demande des avocats des prévenus. Boumerdès. De notre correspondant Ceux-ci ont exigé la présence de tous les membres des commissions techniques installées par le ministère de l'Habitat juste après le séisme et qui devaient vérifier s'il y avait ou non des infractions aux règles de construction. Parmi ceux-ci, l'actuel ministre de l'Habitat, Noureddine Moussa, qui était membre de la commission installée le 26 mai 2003 et qui a conclu que « la cause de l'effondrement des bâtiments était la force de la secousse et les fautes humaines ». Un membre de cette commission a déclaré, lors de l'enquête, que l'effondrement de certaines bâtisses dans un même périmètre où d'autres ont résisté était « dû aux différences dans les matériaux utilisés, l'acte de construire lui-même et la nature du sol ». Les avocats ont également demandé la présence de l'ex-ministre de l'Habitat, Mohamed Nadir Hamimid, qui avait déposé plainte. La demande du report a été aussi motivée, pour certains avocats, par le fait qu'ils se soient constitués « trop tard », « à l'audience même pour quelques-uns ». L'accès à toutes les pièces du dossier, pour tous les avocats, est un autre motif évoqué dans ce sens par Me Bourayou. Un autre avocat, Me Besayeh en l'occurrence, a aussi plaidé le report des assises en s'appuyant sur l'absence de quelques témoins. Abondant dans le même sens, Me Miloud Brahimi a enfoncé davantage le clou en réclamant la présence du premier magistrat instructeur en charge du dossier et qui avait prononcé un non-lieu à trois reprises, aujourd'hui muté dans une autre wilaya. « Il a établi une ordonnance de non-lieu admirablement faite, telle que je n'en ai pas vu durant toute ma carrière. Il serait très intéressant de l'entendre. C'est une procédure en cours dans d'autres pays », a-t-il dit. Il a rejoint ses collègues dans la revendication de quelques moyens techniques qui devraient permettre un bon déroulement du procès, mais surtout dans l'exigence de faire toute la lumière sur cette affaire. Une autre avocate a demandé au juge de permettre à la défense d'utiliser un data show pour leurs démonstrations lors du procès. Me Bourayou a déclaré à la presse que ce procès a un caractère politique puisque ce sont des institutions de l'Etat qui sont impliquées dans toute l'affaire. Car il y a eu erreur dans le zonage sismique, manquements aux procédures de suivi de l'acte de bâtir et mise en vente de matériaux de construction inappropriés. Me Sadek Nadjib nous a déclaré que la défense est satisfaite de ce report. « C'est une demande qu'on satisfait rarement, nous avons été surpris en quelque sorte. Ainsi, tous les avocats vont avoir la possibilité d'accéder au dossier », a-t-il dit. Me Sadek revient aussi sur les trois non-lieux prononcés par le premier juge instructeur, deux intégraux et le troisième partiel, en disant que « certains inculpés sont poursuivis pour homicide et blessures involontaires dans l'effondrement de bâtisses où il n'y a eu aucune victime ». Hier, le juge, Redouane Ben Abdallah, qui est président du tribunal de Boumerdès, a juste fait l'appel de toutes les personnes citées dans l'acte d'accusation : 38 accusés, dont des promoteurs immobiliers, des ingénieurs, des responsables de bureaux d'études et des employés d'institutions chargées du suivi des constructions et dont 20 ont été mis sous contrôle judiciaire (un parmi ceux-ci, H. Abdelkader, est en fuite), 45 témoins et quelque 200 victimes qui se sont constitués partie civile. Le magistrat était très décontracté et a même agi dans le sens de détendre l'atmosphère avec des piques d'humour ponctuant le long appel de toutes les parties. Les conditions de déroulement de la séance d'hier étaient parfaites. Une grande salle dotée de fauteuils et de sièges, avec de l'air conditionné, la sonorisation, un parking et un dispositif de sécurité tout autour du lieu. Devant la demande de report de la défense, le juge a levé la séance durant 20 minutes, le temps de prendre la décision qu'il faut. Il reviendra dans les délais pour annoncer que le procès est reporté au 10 juillet. M. Benabdallah a rassuré les avocats en déclarant qu'ils auront tous accès à tout le dossier et que toute personne dont la présence est jugée utile à la manifestation de la vérité sera convoquée. Il a cependant, d'ores et déjà, rejeté la demande de convoquer le juge instructeur qui a émis les ordonnances de non-lieu en arguant que cela n'est pas dans les usages légaux de la justice. Les avocats des accusés ont exprimé leur crainte de voir le procès prendre une tournure politique. Autrement, « nous sommes persuadés que c'est la force de la nature qui a provoqué les dégâts enregistrés », souligne Me Bourayou. Des victimes que nous avons rencontrées sur les lieux aspirent à « des indemnisations » afin de réparer un tant soi peu le tort qu'elles ont subi.