Aussitôt après avoir abandonné ses fonctions, l'ancien Premier ministre britannique a été nommé envoyé spécial au Proche-Orient du quartet, autrement dit de l'Union européenne, de la Russie, des Etats-Unis et de l'ONU. Dans cette nouvelle attribution,Tony Blair aura la mission de relancer le processus de paix israélo-palestinien, chose dont nombre d'observateurs le jugent capable au regard de sa stature d'homme d'Etat. Il ne suffira pourtant pas à Tony Blair de bénéficier d'un préjugé favorable pour être l'homme de la situation. Car enfin, en quoi son autorité d'envoyé spécial serait-elle plus forte que celle du quartet lui-même qui vient de le nommer ? Tony Blair est l'un des dirigeants du monde le mieux placé pour savoir que toutes les initiatives dans la région se sont toujours heurtées à l'intransigeance d'Israël qui entend affirmer sa présence hégémonique envers et contre tous. L'Etat hébreu se cantonne dans cette posture avec la bénédiction des Etats-Unis qui sont, en l'occurrence, juge et partie dans le dossier du Proche-Orient. Israël n'acceptera jamais l'existence d'un Etat palestinien libre et indépendant. Tel-Aviv envisage, au mieux, des populations palestiniennes parquées dans des bantoustans placés sous son contrôle étroit, outre le mur de la honte qui tient à distance les Palestiniens. Il est dès lors permis de s'interroger sur le plan miraculeux que va sortir Blair de sa pochette surprise étant entendu que la feuille de route du quartet est restée lettre morte ? Les opinions publiques ne peuvent pas oublier, d'autre part, que Tony Blair a davantage de faits de guerre à son actif — de l'Afghanistan à l'Irak — que de spectaculaires accords de paix, si l'on excepte la question irlandaise qui n'a rien à voir avec le Proche-Orient. A telle enseigne que d'aucuns considèrent que confier une mission de bons offices à Tony Blair équivaut à charger un pyromane d'éteindre l'incendie qu'il a allumé. Pourquoi, en effet, les engagements pris de permettre l'édification de l'Etat palestinien n'ont-ils pas été tenus, y compris par Tony Blair qui a été Premier ministre britannique pendant une dizaine d'années. Les Palestiniens n'en seraient pas, aujourd'hui, à endurer le chaos qui leur est imposé par Israël. Ce qui se passe à Ghaza est le résultat, y compris, de la politique ambiguë du quartet qui n'a plus dans la région que des solutions de replâtrage puisque Israël n'est pas prêt à la moindre concession. La nomination de Tony Blair s'apparente à un cautère sur une jambe de bois. L'envoyé spécial du quartet prendra son bâton de pèlerin pour parcourir des chemins semés d'embûches et il ne pourra pas éviter, à un moment ou un autre, d'arpenter le difficile chemin de Damas. Tony Blair sera-t-il l'artisan de la paix au Proche-Orient, synonyme de paix des cimetières ?