Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a laissé la porte grande ouverte, dans un discours à la nation prononcé hier à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution, à la possibilité de voir l'Etat décréter une amnistie générale en faveur des terroristes pour « bâtir » une réconciliation globale. Le chef de l'Etat, qui s'est défini comme le « zaïm de la réconciliation et un partisan de l'amnistie générale », a précisé néanmoins qu'il ne prendrait pas la responsabilité d'aller dans le sens d'une telle démarche sans en référer au préalable au peuple. « Si vous voulez l'amnistie générale, sachez que je suis partisan. Seulement, je ne m'engagerai dans cette voie qu'une fois que le peuple aura été consulté », a déclaré Abdelaziz Bouteflika. Le premier magistrat du pays soulignera, au passage, qu'il n'a pas la prérogative, « même avec la victoire confortable » remportée le 8 avril dernier, de prononcer une amnistie générale. « Le taux avantageux que vous connaissez n'est pas synonyme d'un chèque en blanc. Ma qualité de Président est définie par la Constitution, et la réconciliation nationale relève de la responsabilité de tous », a-t-il martelé. Le président de la République a ajouté que cette question (celle relative à l'amnistie générale) ne sera évoquée que lorsque la société s'y sera préparée et que les plaies seront guéries. « Il ne faut pas remuer le couteau dans la plaie. Il faut savoir attendre », a-t-il préconisé. Une manière pour lui de dire que la conjoncture actuelle ne se prête pas à une telle démarche et qu'il faudra probablement attendre encore avant de la concrétiser. Il est à rappeler aussi que le président de la République a rendu tributaire, la semaine dernière, le succès de tout processus de réconciliation nationale à la reconnaissance par « les responsables du drame national » (les extrémistes, ndlr) de leur responsabilité dans la crise. Soulignant les différentes acceptions que revêt actuellement la notion de réconciliation nationale, M. Bouteflika a estimé également nécessaire d'« arriver à des dénominateurs communs ». Abordant l'état de la nation, le chef de l'Etat a mentionné cependant que le temps n'est pas actuellement à l'amnistie générale, mais que la priorité allait plutôt au « rétablissement de la paix et de la sécurité pour écrire par la suite la démocratie en lettres d'or ». Cette réplique s'adressait visiblement aux formations de l'opposition qui estiment que l'Etat n'a pas assez fait sur le plan de la promotion de la réconciliation nationale et des libertés démocratiques. Et à travers elle, le Président a certainement voulu rappeler que les drames causés par le terrorisme et les dangers véhiculés par le fléau sont encore là et qu'ils nécessitent toujours d'être combattus. A propos encore de la question des libertés, le président Bouteflika a souligné : « L'Algérie n'a pas besoin d'une démocratie importée ou imposée. Cela pas plus que le pays veut d'une réconciliation imposée par l'épée. » La lutte contre le terrorisme, une option stratégique Il a d'ailleurs insisté sur l'idée que « la lutte contre le terrorisme est un devoir national dont l'objectif est d'éradiquer le crime et de mettre fin au cycle de la terreur et de la destruction des infrastructures économiques ». Le crime et la destruction des infrastructures, a-t-il dit, « entravent le développement national et s'opposent à l'esprit de réconciliation globale ». Cela tout comme, a-t-il renchéri, ils constituent « un danger pour toutes les démarches visant à réunir tous les Algériens sans exclusive sous la concorde, la réconciliation et l'action productive ». « Notre lutte contre le terrorisme dans notre pays et notre soutien aux positions internationales qui visent à éradiquer ce fléau relèvent d'une position de principe à laquelle nous ne renoncerons jamais », a affirmé le président Bouteflika. Et d'ajouter : « Nous ne pouvons reporter les questions d'aujourd'hui à demain ni anticiper aujourd'hui sur celles de demain. » Rendant, à l'occasion, hommage à l'ANP pour son rôle joué dans le combat contre la barbarie, le chef de l'Etat a signalé que « l'Armée s'est aujourd'hui lancée sur la voie du professionnalisme ». Une voie, a-t-il poursuivi, qui permettra à « cette institution stratégique de s'adapter aux mutations nouvelles et de répondre aux exigences de la modernité et d'accomplir son rôle, dans la clarté et dans le cadre de la Constitution, avec toute la compétence et le dévouement requis au service des intérêts suprêmes de la nation ». Poursuivant son travail de cadrage et de définition des priorités du pays, amorcé à l'occasion de son discours prononcé la semaine dernière devant les membres du Parlement, le président Bouteflika s'est attardé sur les nombreux défis qui restent à relever et a insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts et les réformes pour mettre l'Algérie sur la voie du développement et de la modernité et répondre aux exigences du siècle. Pour gagner le pari de l'avenir, il a estimé important pour la société de changer de mentalité, de briser des tabous et de ne compter que sur son travail. Au plan international, le chef de l'Etat a notamment réaffirmé les positions traditionnelles de l'Algérie à l'égard de l'Union du Maghreb arabe (UMA), du dossier du Sahara-Occidental et de la question palestinienne. Le président Bouteflika, qui a consacré une grande partie de son allocution à la grandeur, à la portée de la Révolution algérienne et aux inénarrables sacrifices consentis par des générations entières pour sortir de la nuit ténébreuse du colonialisme et accéder à la liberté, a prévenu contre les dangers de l'aliénation et a appelé les Algériens à sauvegarder leur indépendance, leur authenticité et leur identité.