Donald J. Simon est associé à Sonosky, Chambers, Sachse, Endreson & Perry, un des principaux cabinets d'avocats de Washington. Il est spécialiste en matière de législation relative au financement des campagnes électorales aux Etats-Unis. Il s'intéresse également aux minorités. Il est conseiller auprès de Democracy 21, une association qui se consacre à la réforme des lois en matière de financement des campagnes électorales aux Etats-Unis. Plusieurs fois, Donald J. Simon a témoigné devant le Congrès et la Commission électorale fédérale sur les questions politiques liées au contrôle de financement des campagnes électorales. La présidentielle 2004 paraît la plus chère de l'histoire des Etats-Unis. Est-ce vrai ? Les candidats, les partis et les groupes d'intérêt ont dépensé à peu près 4 milliards de dollars pour l'actuelle campagne. C'est la campagne la plus chère. Ce chiffre est en augmentation à chaque élection. Cela crée des problèmes pour le fonctionnement du système électoral américain. Les candidats sont obligés de prendre beaucoup de temps pour la collecte des fonds. Quand un candidat dépend de personnes fortunées et de groupes d'intérêt, il leur reste redevable. Il sera influencé par ces personnes et ces groupes. Justement, comment garantir l'indépendance du candidat par rapport à ces groupes d'intérêt ? C'est un problème. On mène une bataille sur cette question. Dans les années 1970, une loi a été votée pour limiter les montants qu'un individu donne à un candidat. Avec le temps, on a découvert que ceux qui n'ont pas donné directement de l'argent au candidat, ils l'ont versé dans les caisses des partis. Aussi, a-t-on voté en 2002 une loi qui s'appelle McCain-Feingold (noms de deux sénateurs) qui a limité les sommes que les partis perçoivent des individus. Les élections de 2004 sont les premières depuis la promulgation de cette loi. Les résultats sont encore mitigés. On a vu l'émergence de nouveaux problèmes : les individus, au lieu de donner l'argent au candidat ou aux partis, ont trouvé une troisième voie. On a vu l'émergence de groupes indépendants des partis et des candidats qui amassent des sommes énormes. Cela peut atteindre 20 millions de dollars. Ces groupes dépensent cet argent pour essayer de faire des choses que les candidats aimeraient faire eux-mêmes, par exemple en achetant la publicité à la télévision ou en engageant des actions pour mobiliser l'électorat pour aller voter. McCain et Feingold ont déjà essayé d'introduire une nouvelle loi pour faire face à ce nouveau problème. Un groupe d'intérêt peut-il donner de l'argent aux démocrates et aux républicains en même temps ? C'est possible. Une personne ne peut donner plus de 2000 dollars à un candidat. Un groupe d'intérêt ne peut dépasser 5000 dollars. Avant le passage de loi en 2002, des individus donnaient des millions de dollars aux deux candidats et aux deux partis pour influencer l'éventuel leader du pays. Les contributions indirectes sont réglementées par le même mécanisme. Les entreprises et les syndicats ne sont pas autorisés à faire des contributions directes ou indirectes. Ce que l'on voit cette année est l'émergence de « comités de soutien » indépendants des candidats. L'argent qu'ils dépensent pour les spots publicitaires n'est pas considéré comme un financement direct ou indirect de la campagne. C'est une manière d'injecter plus d'argent dans l'élection. Qu'en est-il de l'apport de l'Etat fédéral ? Dans les années 1970, quand on a commencé à contrôler le financement des campagnes, on a pensé à créer un mécanisme public de financement. Il existe deux étapes. Pendant les élections primaires, les candidats collectent de l'argent auprès des privés. Le gouvernement fédéral financera une partie de ces dépenses. Lors de l'élection générale, une fois que le candidat des démocrates et des républicains désigné, le financement de la campagne est total. Pendant les primaires, il existe des candidats qui décident de ne pas utiliser l'argent public (...). Cette loi n'a pas été remise à jour même si les plafonds à ne pas dépasser sont assez bas, à peu près 45 millions de dollars. Kerry et Bush ont refusé d'utiliser le financement public. McCain et Feingold ont proposé un autre projet de loi pour faire face à cette situation pour revoir à la hausse le plafond. Les candidats sont tenus de faire le bilan pendant la campagne électorale. Cet aspect de la législation fonctionne bien. Cette année, les démocrates ont pu collecter presque autant d'argent que les républicains. Par le passé, les républicains ont toujours dépensé plus que les démocrates. Cette année, les deux candidats ont fait appel à des milliers d'avocats. Pourquoi ? Est-ce lié au syndrome de Floride ? Les deux candidats ont fait appel à plus de 10.000 avocats. Nous sommes préoccupés par le processus de vote. L'élection semble être serrée. Les deux partis sont préoccupés par la probable existence de problèmes au niveau des bureaux de vote. Il y aussi des inquiétudes sur les listes électorales et sur la possibilité faite à tous les inscrits de pouvoir voter. Pour cette raison, les deux partis ont recruté les avocats pour qu'ils puissent être présents dans tout le pays, surtout dans les Etats où l'élection est disputée. Ils peuvent surveiller les opérations électorales. Il est possible qu'il y aura des problèmes. Mais ce qu'on ne sait pas encore est de savoir si cela sera étendu ou pas. En Floride, en 2000, il y avait plus de six millions de votants mais la différence entre Bush et Al Gore était de l'ordre 537 voix seulement. Le fait est que l'élection du président est décidée au niveau de chaque Etat, toute la consultation nationale a été tranchée en Floride pour une question de quelques voix. Le système du collège électoral n'est-il pas devenu source de difficultés ? C'est compliqué. La question est de savoir si le collège électoral est bon ou mauvais. En 2000, George W. Bush a perdu le vote populaire, le vote national. Même si Al Gore a gagné 500 000 voix de plus que Bush, c'est ce dernier qui a été élu. Il y a pas mal de gens qui pensent que c'est mauvais. Etant donné que le vote se décide au niveau de chaque Etat, les candidats sont obligés de « faire attention » à tous les Etats, y compris les petits. La question du collège reste posée, surtout quand vous avez une élection serrée comme celle de cette année. Cela dit, presque toute la campagne électorale a eu lieu ces dernières semaines dans six Etats comme l'Ohio, le Wisconsin, la Floride... Si un candidat gagne deux de l'Ohio, de la Pensylvanie ou de la Floride, il est sûr de remporter les élections. Qu'en est-il des voix des minorités (Afro-Américains, Latinos...) ? Les minorités aux Etats-Unis penchent pour les démocrates. La seule exception est au niveau des Cubains qui votent pour les républicains. Les républicains sont réputés durs dans leur politique anti Castro. Les démocrates sont inquiets à l'idée que les minorités n'aient pas le droit d'aller voter et que leurs voix ne soient pas comptabilisées. Une des raisons pour laquelle ils ont déployé autant d'avocats. Les deux partis, surtout les démocrates, ont consacré leur temps et leur argent à faire inscrire les gens sur les listes électorales. Beaucoup de membres de minorités ont été inscrits pour la première fois. Après les élections de 2000, le Congrès a voté une nouvelle loi, Help Americans qui essaie de faire face à des problèmes constatés en Floride. Il s'agit de Help America vote act (aider les Américains à aller voter), promulguée en 2002. Un des problèmes est lié aux techniques de vote (des crayons pour trouer des cercles où le nom du candidat choisi est inscrit). Ces techniques ne fonctionnent pas bien. Il y avait de la confusion chez les votants (...). Il fallait donner de l'argent aux municipalités pour acheter de nouvelles machines... Certaines l'ont fait, d'autres non. Comme l'Etat de l'Ohio ! Qui sera le prochain président des Etats-Unis ? John Kerry ou George Bush ? Personne ne sait aux Etats-Unis quel va être le résultat. On retient son souffle. Il y a beaucoup d'intensité des deux côtés. C'est unique dans l'histoire des Etats-Unis. Ces élections sont importantes du fait des grandes différences existant entre Bush et Kerry.