La montre affiche 12h, le thermomètre 32° à l'ombre et le soleil est au zénith éblouissant les regards et brûlant l'épiderme. Ce n'est pas là le récit d'un séjour balnéaire, mais le quotidien des nouveaux bacheliers qui tentent de faire leurs premiers pas dans le monde universitaire. Ayant débuté depuis plus d'une semaine, les inscriptions au niveau des principaux pôles universitaires continuent d'habiter la vie dans les facultés, et ce, jusqu'au 2 août prochain. Nous sommes désorientés, on nous dirige d'un bloc à un autre, sans qu'il y ait des panneaux indicateurs, et tout cela sous un soleil de plomb, personne ne vient nous informer, on est obligés de courir à l'affût d'un petit renseignement », nous confie le père d'une bachelière déçu par l'accueil réservé aux lauréats du baccalauréat au niveau de la faculté de Bouzaréah.Les préposés à la sécurité soulignent que la faute incombe aux élèves bacheliers qui ont tous choisi la dernière semaine pour venir s'inscrire. Mais est-ce une raison pour ne pas prévoir au moins des tables et des bancs pour leur permettre de remplir correctement les fiches d'inscription. S'agglutinant sous les quelques arbres dégarnis que compte la grande cour de l'université, les étudiants essayent de remplir tant bien que mal les fiches de renseignements qu'ils ont recueillies au niveau de l'entrée. « Regardez, il n'y a même pas où s'asseoir pour pouvoir bien rédiger, ce ne sont franchement pas des conditions normales », s'exclame le même père en prenant la main de sa fille pour aller à la prochaine étape de l'inscription qui consiste à payer les frais d'entrée dans la grande famille de l'enseignement supérieur. Un jeune bachelier semble plonger dans le formulaire d'inscription. La joie n'est pas au rendez-vous sur ce visage peu satisfait de ce qu'il a sous les yeux. « Comment voulez-vous que je sois, si ce n'est que je suis déçu par toute cette opération d'orientation et d'inscription qui n'obéit à aucune logique sauf celle de nous rendre dingue », nous lance-t-il. Et de continuer : « Depuis l'annonce des résultats, jusqu'à la préinscription par internet et aujourd'hui à l'université, tout est problématique », nous dit-il en précisant : « J'ai passé un bac sport que j'ai obtenu alors qu'on m'a donné un zéro en sport. Vous trouvez cela logique. » Notre interlocuteur a pourtant obtenu la note de 15,5 en sport qu'il n'a jamais vu coucher sur son relevé de notes. « Il y a eu une erreur au niveau du centre d'examen où on a maladroitement classé les dossiers et mon 15,5 a disparu. J'ai dû aller faire un recours au niveau de l'office national des examens – section de Blida – alors que j'ai passé l'examen à Aïn Benian, malheureusement on n'a pas voulu donner foi au document que je leur ai présenté, on me demande de ramener le chef de centre pour attester mes dires. Chose que j'ai faite grâce à la disponibilité de ce dernier. Mais cela n'a pas servi à grand-chose puisqu'on me dit qu'il s'agit d'un ‘‘homicide involontaire'' », indique le jeune homme outré par une telle réponse. « Aborder ses premiers pas sur le chemin qui va tracer son futur, sur une injustice, c'est ce qui peut nous arriver de pire », renchérit le nouvel étudiant. Ceci en estimant que « le recours ne sert à rien, puisque la réponse est la même pour tous ». Un autre bachelier tente de remplir de son côté sa copie dont il trouve du mal à comprendre certaines précisions. « J'ai eu un 11,75 et on m'oriente vers le droit alors que je voulais accéder à la filière sciences politiques ; que voulez-vous que j'y fasse, je subis ce qu'on a choisi pour moi, puisque je n'ai pas de piston pour pouvoir changer de filière », nous dit-il le moral à son plus bas niveau. Nous quittons Bouzaréah au mouvement des inscriptions pour un autre grand pôle universitaire, Bab Ezzouar. « Il n'y a pas de communication, l'information ne circule pas, on est d'abord passé à l'université de Bouzaréah pour qu'on nous dise de venir ici, heureusement que j'ai une voiture sinon c'est vraiment le calvaire. Je ne comprends pas pourquoi on ne fait pas le même tapage médiatique à la télévision sur les modalités d'inscription tel que celui consacré au recrutement dans l'armée », nous dit le père d'une jeune bachelière qui aide sa fille à s'inscrire. Accueillis par des étudiants vacataires chargés d'orienter et de recevoir les fiches d'inscription des nouveaux venus, les bacheliers semblent quelque peu déroutés par cette opération. « J'ai eu un 12 de moyenne au bac, j'ai choisi technologie, et en arrivant à Bab Ezzouar on me dit qu'il s'agit de la filière sciences techniques, je ne comprends pas ce que je fais dans une filière à laquelle j'aurais pu accéder en fournissant moins d'efforts et en ayant un simple 10 de moyenne », nous confie un jeune bachelier affecté par ce qu'il vient de découvrir. Le même constat est fait par plusieurs de nos interlocuteurs parmi la population des nouveaux bacheliers. Tous s'accordent à dire : « Ils ont choisi pour nous. » De plus, ils ignorent ce que leur réserve le nouveau système LMD (licence-master-doctorat). Le guide disponible en petites quantités n'est pas assez explicite sur les conditions d'accès d'un niveau à un autre, c'est-à-dire d'une licence à un master puis au doctorat. Même les étudiants devant encadrer les jeunes postulants à l'université n'ont pas su répondre aux interrogations des bacheliers sur cet énigmatique système LMD. M. Saïdi, conseiller du recteur et responsable de la pédagogie au niveau de l'USTHB, s'est même trouvé assailli de questions par le père d'une jeune bachelière qui voulait savoir ce que sa fille peut bien suivre comme formation afin qu'elle puisse trouver du travail dans le futur. « Nous recevons 400 bacheliers par jour, qui sont tenus de s'inscrire d'abord puis revenir dans les 48h prendre leur carte d'étudiant. Exception faite pour ceux qui viennent de loin dont les dossiers sont traités dans la journée même », explique Saïdi Mohamed. Nous quittons Bab Ezzouar sur une note de compassion pour ces futurs étudiants que l'université accueille pour la première fois.