L'émir de la zone 9 pour le GSPC, englobant les régions du Sud et comprenant la phalange El Moulathamoun (les enturbannés), s'est rendu récemment aux forces de sécurité, a-t-on appris auprès de celles-ci. Il s'agit de Benmessaoud Abdelkader, dit Abou Mossaab, natif de la région de Djelfa et âgé de 32 ans. La barbe encore pendante, les traits tirés, Abou Mossaab se présente comme étant très proche de Mokhtar Belmokhtar, dit Abou El Abbas, ou Belouar (le borgne), émir de la région du Sahel. Les révélations sur les graves dissensions qui minent le GSPC laissent perplexe. Pour le repenti, l'organisation de Droukdel est en train de vivre « la même situation » vécue par le GIA sous le règne de Antar Zouabri vers la fin des années 1990. Selon Abou Mossaab, la crise a commencé à ronger les rangs du groupe après l'allégeance de ce dernier à Al Qaïda. Une décision, dit-il, prise par Droukdel et deux de ses proches collaborateurs sans consulter la base. « L'idée de s'allier à Al Qaïda est de Belmokhtar, mais c'est Droukdel qui va la concrétiser sans se référer aux différents chefs des phalanges. Son annonce a été une surprise pour ces derniers. Cela a fait naître un sentiment de méfiance et de crainte d'autant que le poste qu'il occupe ne lui revient pas en réalité. Après la mort de Nabil Sahraoui et l'exclusion de Hassan Hattab, c'est Belmokhtar qui devait prendre les rênes du GSPC », déclare Abou Mossaab. Il explique que Droukdel n'a pas « les capacités » à diriger l'organisation. Ce sont ses proches, tous de Bordj Menaïel, à leur tête Abdelhamid Saâdaoui, dit Abou Yahia, chef de la zone 2, l'une des plus riches en moyens matériels et financiers, qui l'ont imposé comme « émir national ». « Un service qu'il n'est pas près d'oublier. Il leur assure une immunité assez large au point de passer l'éponge sur les nombreuses plaintes relatives aux détournements de l'argent du racket au profit de leurs familles et proches. Saâdaoui a une grande emprise sur Droukdel et rien ne se décide sans son consentement. C'est lui qui a nommé Djouadi Yahia, dit Abou Ammar, à la tête de la zone 9, pour contrecarrer Belmokhtar avec lequel il est entré en conflit. Raison pour laquelle ce dernier a demandé à ses fidèles de rallier sa phalange du Sahel de peur de se voir exclure, comme cela a été le cas pour Hassan Hattab », raconte Abou Mossaab, en précisant que Belmokhtar est actuellement en situation de stand-by, en prévision d'une éventuelle scission du GSPC. Il explique qu'après l'arrestation de Abderrazak El Para, la direction de la zone 9 est revenue de fait à Belmokhtar, mais c'est Abou Zeïd qui sera nommé quelque temps plus tard, en remplacement de ce dernier. Ce qui a créé une grave divergence entre les deux chefs. Droukdel, et après sa venue à la tête de l'organisation, a dépêché un certain Abou Ammar, qui avait pour instruction de reprendre les rênes de la zone 9, poussant Belmokhtar à aller avec son groupe vers le Sahel pour prendre les commandes de cette région. Au mois d'août 2006, Abou Ammar meurt dans une embuscade tendue par les forces de sécurité, et c'est Abou Mossaab qui prend sa place à la tête de la zone. « Depuis qu'il s'est remarié avec la fille d'un notable malien de la tribu des Brabiches, Belmokhtar a entrepris des contacts avec les services algériens dans le but de se rendre avec tous les membres de sa phalange, mais avec des conditions préalables », note le repenti. Il parle longuement de la situation déplorable dans laquelle se trouve actuellement la zone 9, dépourvue de logistique, que Belmokhtar trouvait sans difficulté eu égard aux relations qu'il entretenait avec les notables de la région. « Les phalanges manquent de moyens matériels et financiers, contrairement aux groupes qui agissent dans la zone 2, dont les chefs très proches de l'émir national recourent à des actes proscrits par la religion, tels que le racket, les faux barrages dressés pour détrousser les civils et les enlèvements en contrepartie de rançons », souligne Abou Mossaab. Revenant sur la question d'Al Qaïda, le repenti estime que ce nom est utilisé par Droukdel et ses proches de la zone 2 uniquement pour renforcer le recrutement. « Ils font croire aux jeunes, pour la plupart très sensibles aux images de la guerre en Irak, qu'ils vont leur permettre de s'entraîner avant d'être convoyés vers l'Irak pour combattre la coalition anti-Islam. Or, une fois dans les maquis, ils sont pris au piège parce qu'ils se retrouvent inévitablement impliqués dans des attentats », précise-t-il, avant de révéler que bon nombre de terroristes de la zone 2 n'attendent que l'occasion pour se rendre aux services de sécurité. Au sujet des ressortissants étrangers enrôlés dans les rangs du GSPC, Abou Mossaab estime leur nombre à une quarantaine qui, selon lui, aujourd'hui, ne cherchent qu'à rejoindre leurs pays. D'ailleurs, ajoute-t-il, certains ont fait défection, citant les cas des Tunisiens, des Maliens et des Nigériens qui ont déserté les rangs. Bref, la situation décrite au sein du GSPC ressemble étrangement à celle qui a marqué le GIA durant les dernières années de son existence. Abou Mossaab a commencé son parcours de terroriste dans les rangs de cette organisation, avant de suivre Hassan Hattab dans son idée de créer le groupe salafiste. Il a quitté Antar Zouabri pour avoir, dit-il, dévié de la stratégie initiale. Selon lui, le GSPC est en train d'emprunter le même chemin. « Ce qui le mènera inévitablement vers l'autodestruction. » A signaler que l'ex-terroriste a participé à de nombreux attentats, notamment dans le Sud, parmi lesquels l'embuscade contre les douaniers à Naâma et l'attaque contre la caserne de l'armée mauritanienne à Lemghiti, aux côtés de Belmokhtar. Abou Mossaab est en train de préparer un appel de repentance adressé à ses ex-acolytes encore dans le maquis. Sa reddition est un sérieux coup asséné au GSPC.