L'élimination de plusieurs chefs du GSPC en un espace de temps très court laisse l'organisation terroriste dans une crise des plus difficiles. Plus grave, elle rétrécit considérablement le cercle des alliés les plus fidèles à l'émir national, Droukdel, dit Abou Mossaâb, en majorité natifs ou résidants de Lakhdaria. Pour les spécialistes, c'est le prélude du début de la fin de l'actuelle direction. Depuis les attentats suicide du 11 avril dernier, le GSPC ne cesse de perdre ses éléments les plus redoutables qui constituaient sa matière grise, mais aussi « sa force d'action de frappe ». Les premiers chefs, pris au piège des services de sécurité, ont ouvert la voie à une série d'opérations militaires « chirurgicales » ayant visé les têtes pensantes de l'organisation, et ce, grâce à des informations fournies par des repentis opposés « au groupe de Lakhdaria » et sa politique basée sur les attentats kamikazes et les enlèvements suivis de racket. Opéré à Boghni et Draâ Ben Khedda, wilaya de Tizi Ouzou, ce coup de filet a permis l'élimination de Abou Haidara ou Redouane Fassila, de son vrai nom Harik Zoheir, émir de la zone 2 (centre) pour l'organisation, conseiller militaire de Droukdel et un de ses plus fidèles compagnons. Fassila, âgé de 32 ans, a été abattu avec ses deux compagnons par les militaires. Il est l'un des plus redoutables chefs du GSPC, et toutes les images vidéo enregistrées par cette organisation terroriste et diffusées sur son site web le montrent comme étant l'un des architectes des attentats suicide du 11 avril dernier, d'Alger, de Dellys, de Lakhdaria, des attaques contre la brigade de gendarmerie de Yakourène et des véhicules transportant les employés de la société française des travaux publics, Razel. Il avait une influence extraordinaire sur Droukdel, au point où certains experts de cette mouvance le placent comme étant le vrai « patron » du GSPC. Il a été nommé, au début de cette année, émir de la zone 2, la plus importante en ressources humaines, financières et logistique, en remplacement de son prédécesseur, Yahia Abou Al Haithem, de son vrai nom Abdelhamid Saâdaoui, qui s'est rendu aux forces de sécurité. Sa venue à la tête de cette phalange répond aux « exigences » de la nouvelle stratégie adoptée par le GSPC, depuis son allégeance à Al Qaïda, à savoir l'intensification des attentats suicide, notamment à Alger, où l'impact médiatique est de loin le plus important. Le deuxième terroriste abattu lors de cette opération n'est pas des moindres. Il s'agit de Abou Tourab, ou Abdelhamid, émir de la phalange Al Farouk, alors que le troisième terroriste éliminé est connu sous le pseudonyme de Oussama Abou Ishak ou Rabah, spécialisé dans les systèmes de piégeage des véhicules. Avant ces trois terroristes notoires, les services de sécurité ont, et avec la même tactique, les barrages mobiles sur les routes de montagne, abattu Ali Diss, un des architectes des attentats suicide, et son compagnon Haroun Al Achaâchi, de son vrai nom Nour Mohamed, recruteur et organisateur des convoyages de l'armement du sud du pays vers les maquis du GSPC. Toujours grâce à des informations fournies par des repentis, mais aussi par la population, c'est un autre « cadre » de l'organisation qui est éliminé. Il s'agit d'un certain Hamid Rsas, conseiller militaire de la phalange Enour. Quelque temps plus tard, c'est au tour des phalanges de la zone 5, qui englobe l'est du pays, d'essuyer des revers en perdant plusieurs de leurs éléments, mais également une grande partie de leur logistique. Il est important de signaler que cette région est très importante pour le GSPC, dans la mesure où elle a de tout temps servi de lien entre elle et la zone 9, dont l'émir Mossaâb Abou Daoud, durant l'été dernier et qui était chargé du convoyage d'armement des pays du Sahel vers le Nord. Juste après l'allégeance du GSPC à Al Qaïda, c'est l'émir de la zone 6 qui englobe les monts des Babors jusqu'à Skikda, connu sous le sobriquet d'Abou Omeir, de son vrai nom Houari Youcef, qui est éliminé à la suite d'une offensive militaire contre les maquis de la katibat Errahmane, à Jijel. Lors de cette opération, un des plus anciens muftis (exégètes) du GSPC, Makhlouf Ammar, ancien gendarme, plus connu sous le sobriquet de Abou Al Barraâ, a été également abattu. La décapitation des phalanges et les batailles rangées de leadership plongent le GSPC dans une phase marquée par des liquidations physiques et une hémorragie dans les rangs des troupes. La méfiance s'est installée durablement. Elle s'aggrave avec les changements opérés à la tête des phalanges et dont les nouveaux émirs sont pour la plupart natifs de la zone 2, particulièrement Lakhdaria, affichant une obéissance indéfectible à la direction et une farouche opposition à toute forme de repentance ou de dialogue. Les restrictions qu'ils imposent aux troupes poussent de nombreux terroristes à se rendre. Les opérations de « purge interne » se multiplient. Pour se venger, certains éléments vont aider de l'intérieur les services de sécurité en leur fournissant des informations capitales sur les déplacements et caches des chefs. En contrepartie, ils espèrent bénéficier des dispositions de la loi sur la réconciliation nationale. Le coup de grâce asséné à l'organisation a été l'arrestation de Abou Al Bassir, l'émir du GSPC pour la capitale, un des plus anciens terroristes. Plus de 14 ans de maquis, d'abord au sein du GIA, avant de rejoindre Hassan Hattab, moins d'une année après la création du GSPC, en 1998. Abou Al Bassir est un homme de confiance de Droukdel, un des derniers qui lui restait. Il était sous la direction de Redouane Fassila, émir de la zone 2 et le plus indiqué pour le remplacer à la tête de la zone, si ce n'est sa neutralisation. Il est important de relever que toutes ces opérations antiterroristes ont permis la récupération d'une importante quantité d'explosifs, des engins et des véhicules piégés qui devaient être utilisés lors d'attentats dont l'exécution devait avoir lieu au mois de Ramadhan. La pression des services de sécurité, les arrestations des membres des réseaux de soutien, les mouvements de repentance et la multiplication de barrages militaires mobiles ont quelque peu rendu difficile le passage à l'acte. Parallèlement à la lutte antiterroriste, idéologiquement, les nombreuses fetwas émanant des références salafistes saoudiennes et égyptiennes, condamnant le recours aux attentats suicide, en général, et au terrorisme en particulier, ont eu un impact considérable sur les troupes de l'organisation criminelle. Aujourd'hui, la direction du GSPC est totalement déstabilisée. Le clan de Droukdel est sérieusement affaibli. Il est même probable que les opposés à l'allégeance d'Al Qaïda et à la politique des kamikazes reprennent les rênes de l'organisation. Il n'est pas également exclu que Droukdel, dont le poste, affirment certains repentis, revient historiquement à Mokhtar Belmokhtar, actuellement en stand-by, soit destitué de l'émirat. Ainsi, presque dix ans après sa création, le GSPC traverse une période cruciale de son existence. Même très affaibli, il reste un groupe potentiellement dangereux qui peut profiter des défaillances des uns et des autres pour faire de nombreuses victimes. Les experts estiment que cette phase est très importante pour la lutte antiterroriste dans la mesure où elle appelle à une plus grande vigilance.