En Amérique, il y a aussi des cinéastes indépendants ; ils font des films exigeants même si la production est chaque fois longue et méticuleuse. Il n'y a pas derrière eux les studios et les sponsors. Ils travaillent dans la marge du système. Locarno (Suisse). De notre envoyé spécial Alors que le temps s'est mis à l'orage à Locarno, le festival a présenté un film fait à New York par un cinéaste indépendant. Une bonne trouvaille. Un thriller psychologique : Joshua, réalisé par George Ratliff. Le rôle principal est attribué à un gamin de 9 ans ; un gosse modèle, très intelligent (il a sauté deux classes dans son école), mais diabolique. Dans un décor postmoderne, un immense appartement du chic quartier de l'East Side à New York, où Joshua vit avec sa mère et son père ; un banquier disponible seulement pour ses tractations monétaires. Le réalisateur filme comme une fête la naissance d'une petite fille Lily dans ce foyer apparemment aussi modèle. Mais très vite, Joshua, par jalousie, parce que ses parents le délaissent pour la petite sœur, va transformer la vie familiale en vrai cauchemar. Ce gamin très précoce, poli, joue du piano comme un grand compositeur, planche sur les antiquités d'Egypte comme un grand archéologue, sème la terreur dans la maison. Joshua est un diable. Réincarnation du diable Il pousse la grand-mère dans l'escalier où elle rend le dernier soupir. Il menace de jeter sa petite sœur du haut de la terrasse du Brooklyn Museum. Sa mère devient folle. Son père le bat dans un parc en public, il est arrêté et jeté en prison. C'est la première fois qu'on voit un film (quasiment d'horreur) dont le héros est un gamin de 9 ans. Ce gosse est magnifique mais il fait peur. Le public américain est certes habitué à la violence (avec les massacres dans les écoles) mais pas à un enfant prodige qui sème la terreur dans sa propre maison. D'où les difficultés pour le réalisateur George Ratliff de financer son film. C'est un scénario hors des sentiers battus. Le jeune héros du film joue avec un talent inouï dans le registre le plus sombre. Il se nomme Jacob Kogan. Ses vrais parents sont des artistes new-yorkais. Ils ont essayé de le détourner de sa vocation de « Child action », mais, lui, poursuit, paraît-il, une brillante carrière. Une importante section du Festival du Locarno est consacrée au documentaire. Un film venu du Brésil nous montre que les transports publics peuvent être des hauts lieux de convivialité. Les habitants de Sao Paulo font des fêtes, célèbrent des anniversaires dans leurs autobus. Les faits sont là : à Sao Paulo, le cauchemar des transports est quotidien. Des usagers passent cinq heures en moyenne chaque jour dans ces transport en commun pour se rendre à leur travail. A la fin de sa vie, un habitant de Sao Paulo a passé 14 ans dans un bus ! D'où l'idée d'organiser des fêtes pendant ces temps morts. Avec sa caméra posée dans un autobus, le cinéaste Kiko Goifman montre comment les voyageurs coincés dans les embouteillages passent leur temps : ils mangent, lisent, se parlent et font la fête. Cinéma paradisio Il suit les traces d'un employé de sa maison de production qui organise régulièrement des fêtes d'anniversaire dans les autobus ! La folie des transports à Sao Paulo, c'est aussi ces riches heures de musique et de danse, et quand la cachaça coule à flots, les employés arrivent complètement ivres à leurs bureaux. Mais quelle autre solution, stratégie adoptée pendant tout ce temps perdu ? Le documentaire de Kiko Goifman est très drôle mais franchement, il ne soulève pas l'enthousiasme, même s'il montre les Paulistes comme des gens très inventifs dans le marasme des transports de leur ville.