On reprend les mêmes, et on recommence. Le Festival de Locarno a commencé avec la projection de Miami Via, la superproduction de Michael Mann, qui a obtenu déjà beaucoup de succès avec Collateral. Dans Miami Via, le cinéaste transpose sur grand écran la série télévisée des années 1980 avec le duo de choc Sonny Crochett et Ricardo Tubbs (joués par Don Johnson et Mickael Thomas à l'origine). Dans Miami Via, version cinéma, c'est Colin Farrell et Jamie Fox qui reprennent les rôles, aux côtés de la star Chinoise Gong Li qui joue Isabella, chef d'une bande de trafiquants de drogue en Colombie, aussi belle que mystérieuse, et dont c'est la première apparition dans une grosse production d'Hollywood. Peu de dialogue et beaucoup d'effort visuel dans la mise en scène de Michael Mann que le public (cinéphile) du Festival de Locarno a reçu avec beaucoup d'étonnement. Mais il y avait quelque 7000 spectateurs sur la Piazza Grande une nuit où il ne pleuvait pas, alors qu'il pleuvait à torrents sur la ville voisine de Lugano… Comme toujours Michael Mann montre les agents du FBI à la poursuite des méchants trafiquants de cocaïne, comme des supermen, avec quelques touches d'humour, du sexe (quand l'un des flics tombe amoureux de la belle Gong Li dans un bar de La Havane) et pas mal de folklore et de pittoresque quand un cinéaste américain filme des scènes en Amérique latine. Le ton est radicalement différent dans un film venu de Singapour : Be with me, d'Eric Woo, montré dans la section Open Doors. C'est une mosaïque silencieuse et pudique autour de thèmes sur l'espoir, le destin, l'amour. Eric Woo, le plus connu des cinéastes de Singapour, a étudié le cinéma à Sydney au City Art Institute. Il a produit des clips musicaux, de publicité avant de se lancer dans la réalisation de longs métrages fiction après avoir vu à Singapour (où il y a chaque année un festival important) des films de Scorsese, Kaurismaki, Kioslowski ou Spielberg. Dans Be with me, Eric Woo filme la solitude urbaine (les personnages ne parlent pas et communiquent par SMS). Cette escale peu touristique à Singapour montre des visages sans motion, des rues désertes et des couloirs vides. L'an dernier, il y avait au Festival de Locarno une section Human Rights. Cette année, elle a disparu, le nouveau directeur suisse Frédéric Maire ayant intégré les films de cette catégorie dans d'autres sections comme Open Doors, cinéastes du présent. Dans la compétition officielle, une vingtaine de films (essentiellement d'Europe) concourent pour le grand prix Léopard d'or. Le jury est présidé par la cinéaste chinoise d'origine mais vivant au Japon, Ann Hui, qui fut à une époque la figure de proue du cinéma de Hong Kong. Elle a tourné notamment la célèbre triologie sur le Vietnam d'après-guerre : Boy From Vietnam (dont Boat People, tourné en 1982, est le plus connu). 170 productions en tout sont montrées au Festival de Locarno. Il y a aussi un marché du film très actif. Les Suisses voudraient bien profiter du Festival de Locarno pour vendre leurs productions. Un quotidien local titre en grosse manchette : « Le cinéma suisse, bon pour l'exportation ». En tout cas, ici à Locarno, c'est l'effervescence dans la branche commerciale du cinéma suisse. Le modèle, pour les Suisses, c'est le cinéma coréen (Séoul) qui a conquis le monde en s'imposant par sa richesse, sa diversité et sa grande qualité. La Suisse n'en est pas encore là, mais elle essaye. Le documentaire demeure un genre exportable. Pour la fiction, c'est un peu plus complexe.