Persuadée que des représailles ne sauraient tarder cette fois en Calabre, la police italienne est sur le pied de guerre depuis qu'un clan de la Ndrangheta (la mafia calabraise) a exécuté six membres d'une famille rivale, en plein centre de Duisbourg (Allemagne). Les experts italiens, qui suivent de près les moindres faits et gestes de la mafia calabraise, la très secrète et féroce organisation criminelle connue sous le nom de la Ndrangheta, ont dû revoir plusieurs de leurs thèses relatives au fonctionnement interne de cette pègre du sud de l'Italie. Car les règlements de comptes menés par des clans rivaux se sont toujours déroulés dans la région, en plein jour et devant des centaines de témoins. La peur générant l'omerta parmi les habitants, les auteurs de ces crimes pouvaient vivre dans la clandestinité, pendant des décennies, jusqu'à ce que les tentacules des familles des victimes parvenaient à eux ou à leurs proches parents. Mais jusque-là, les ramifications de la Ndrangheta en Europe n'ont jamais fait parler d'elles, préférant la discrétion pour mener à bien leurs affaires. Voilà que les préjugés les plus folkloriques que les Allemands nourrissent envers les Italiens risquent de trouver confirmation dans l'esprit des racistes germaniques. Les enquêteurs italiens prennent au sérieux cette dernière exécution en série qui a coûté la vie à six Calabrais implantés dans la ville industrielle de Duisbourg, où vit une communauté italienne composée de 4000 personnes environ. Les immigrés d'origine italienne qui vivent en Allemagne atteignent le demi-million. Le ministre de l'Intérieur, Giuliano Amato, qui a dû interrompre ses vacances d'été, a confirmé la présence de la Ndrangheta en Allemagne et n'a pas caché sa crainte de voir une autre série de représailles succéder au massacre de Duisbourg. Pour sa part, la police anti-mafia de Calabre reconnaît la force de frappe de cette organisation criminelle et tente de comprendre le motif extrême qui a poussé cette organisation criminelle secrète et moins connue que la Camorra (mafia napolitaine) ou la Mafia sicilienne à opérer d'une manière si ostentatoire dans un pays étranger et sous le nez de la rigoureuse police allemande. Pas moins de 70 coups d'armes à feu ont été tirés par deux hommes, selon le récit d'un témoin oculaire. Six hommes âgés entre 16 et 39 ans, dont certains ont des liens de parenté, ont été abattus devant le très fréquenté restaurant italien Chez Bruno, allongeant la liste des victimes de règlement de comptes entre les deux clans rivaux de la ville de San Luca (Calabre). Depuis le début de cette impitoyable vendetta, en 1991, une quinzaine de personnes ont trouvé la mort dans une série de fusillades, dont onze ont été perpétrés durant les huit derniers mois.