Il était extrêmement difficile hier de donner un bilan devenu quotidien de la violence en Irak, un sujet récurrent depuis que les Américains ont débarqué dans ce pays. Il en meurt tous les jours et de toutes les nationalités, mais surtout du côté des Irakiens dont on ignore le nombre de morts, un chiffre pour le moins inexistant sauf à vouloir occulter ces dizaines de milliers d'Irakiens tués par les forces de la coalition. Les versions officielles en ont fait des terroristes, comme si défendre son honneur et son pays était un acte terroriste. Mais combien d'enfants, de femmes et de vieillards, davantage préoccupés par les questions de survie, figurent dans les macabres statistiques. Au moins 33 personnes ont ainsi été tuées hier dans quatre attentats à la voiture piégée à Samarra, au nord de Baghdad, tandis que l'armée américaine ne cesse de bombarder Falloujah, à l'ouest de la capitale, en prévision d'un assaut imminent. 33 personnes ont été tuées, dont le chef local de la police, et plus de 42 blessées dans l'explosion de 4 voitures piégées et lors d'accrochages à Samarra (125 km au nord de Baghdad), selon le Dr Nawfal Mohammad de l'hôpital général de Samarra. La région de Samarra résiste elle aussi à l'occupation étrangère. La ville elle-même a été réoccupée début octobre à la faveur d'une opération menée par l'armée américaine et les forces irakiennes qui a fait quelque 150 morts. Deux voitures piégées ont explosé devant la sous-préfecture de la ville, une troisième devant l'école de formation d'instituteurs, et la quatrième dans la partie méridionale de la ville au moment où des inconnus attaquaient plusieurs postes de police et que des accrochages faisaient rage entre soldats américaines et résistants. A l'ouest de Baghdad, l'aviation et l'artillerie américaines ont bombardé, durant toute la nuit de vendredi à samedi, la région de Falloujah alors que des habitants ont fait état de violents combats dans un quartier sud-est de la ville. L'aviation américaine a mené de nombreux raids sur cette ville située à 50 km à l'ouest de Baghdad, tandis que l'artillerie pilonnait certains quartiers de la ville. Les troupes américaines ont interdit l'accès de Falloujah, autorisant seulement le passage des familles fuyant la ville. Des avions américains ont largué la veille des tracts sur la ville, demandant aux habitants encore sur place de partir. Des militaires du génie renforçaient le blindage des véhicules alors que les tanks Abrams évoluaient dans le camp, s'entraînant pour un éventuel assaut alors que les mécaniciens procédaient aux derniers réglages. Des habitants ont fait état de violents combats jusqu'à l'aube dans le quartier de Chouhada (sud-est), où des chars ont tenté une percée. D'autres accrochages à l'arme légère ont eu lieu dans le nord-est de la ville. Selon un officier des marines, des tanks ont effectivement tenté une avancée sur la périphérie pour éprouver la résistance des rebelles. Plus de la moitié des quelque 300 000 habitants ont déjà fui, selon des estimations. Un médiateur, membre d'une mission de bons offices du Conseil national irakien auprès des notables de Falloujah, a affirmé que « l'espoir de trouver une solution pacifique à la crise s'amenuisait », et que « depuis quelque jours, il n'y a plus de contacts ». Signalons dans ce tourbillon de violence que l'armée américaine a perdu quatre soldats en 24 h, dont le dernier vendredi après-midi, près de Falloujah. Deux marines sont morts jeudi au combat dans la province occidentale d'Al Anbar, selon un porte-parole militaire américain. Le quatrième soldat a été tué par une explosion au passage de son véhicule. Par ailleurs, douze membres de la Garde nationale, originaires de la localité chiite d'Abassiyat (nord de Najaf), ont été enlevés et tués jeudi à Latifityah alors qu'ils rentraient chez eux pour le week-end, selon le bureau d'un responsable religieux chiite à Najaf. Un représentant du chef radical chiite Moqtada Sadr a dénoncé dans un prêche vendredi « des agressions commises contre des pèlerins » chiites par des « habitants de Latifiyah ». L'armée américaine mène régulièrement des opérations dans la région de Latifiyah, Mahmoudiya et Youssoufiyah, baptisée « le triangle de mort », en raison des nombreux enlèvements et attaques armées commis dans ce secteur à une trentaine de kilomètres au sud de Baghdad. Alors que Washington s'apprête à rétablir l'ordre quel qu'en soit le prix en termes de dommages humains et matériels, le Premier ministre irakien Iyad Allaoui, reçu vendredi dernier à Bruxelles par les dirigeants des pays de l'Union européenne, a réitéré ses menaces d'assaut contre Falloujah, affirmant qu'il entendait y « rétablir l'Etat de droit ». M. Allaoui n'indique pas de quel ordre il pourrait s'agir.