Ce n'est pas Deseperate Housewives, la série américaine dont toutes les jeunes Françaises raffolent, mais ça y ressemble un peu. Caramel, le premier film de Nadine Labaki, jeune réalisatrice libanaise de 33 ans, a défrayé les chroniques cinématographiques aussi bien françaises qu'orientales. Sorti dans plus de 200 salles en France, le film évoque le quotidien de quatre femmes libanaises aux trajectoires de vie différentes. Quatre personnages qui cohabitent avec trois langues (anglais, français et arabe) et issus de religions différentes. La scène se passe à Beyrouth. Dans un institut de beauté. Des femmes, issues de conditions sociales distinctes, se croisent, se parlent, échangent et discutent de sexe sans gêne. Elles brisent les tabous, en riant souvent et en pleurant parfois. Les quatre petites sœurs actrices orientales du film Caramel (Fadia Stella, Yasmine Al Masri, Gisèle Aouad et Joanna Moukarzel), âgées entre 20 et 50 ans, se donnent chaque jour rendez-vous dans le salon de beauté « Layale ». L'une transgresse la loi en vivant un adultère passionné, l'autre s'apprête à se marier alors qu'elle n'est plus vierge, la troisième ignore où sa libido la conduira et la quatrième, qui commence à sentir le poids de l'âge, s'emploie à cacher ses rides et des traits de son corps grassouillet. A travers ces quatre personnages, réunis pour des séances d'épilation de jambes en utilisant la pâte caramel, c'est l'histoire des femmes libanaises qui est racontée. Des femmes qui cherchent à tout prix à vivre et à s'émanciper dans un pays en proie à la guerre et aux conflits ethniques et religieux. Mais pour Nadia Labaki, ces événements sont une véritable aubaine pour parler du quotidien des ses concitoyennes. « Je suis obsédée par ce qui se passe dans la tête de ces femmes », explique la réalisatrice lors de la première à l'Institut du monde arabe, à Paris. « Passer par toutes les épreuves de la vie et rester saines et sereines comme nos mères et nos grands-mères, je trouve cela fascinant. ». La pâte caramel pour l'épilation comme fil conducteur d'une histoire de femmes à multiples visages. Un travail fascinant qui raconte le quotidien de la femme arabe, prise entre la domination masculine du père, du frère ou du mari et le désir de fuir sa condition humaine féminine faite souvent de privations, de sarcasmes, d'illusions et de furtifs moments de bonheur. « Dans les sociétés arabes, les femmes s'élèvent entre elles. On se rassemble, on fait des fêtes. Et l'histoire de caramel est éloquente. Elle remonte à mon enfance lorsque je regardais dans la cuisine des séances d'épilation. Les femmes passaient des chansons de Feyrouz et moi, comme en apothéose, j'attendais le moment où on nous donnait le bonbon issu du mélange de sucre, de citron et d'eau bouillie pour m'en régaler. ». Interdit dans plusieurs pays arabes, à cause de certaines scènes jugées obscènes, Caramel a été couronné d'un grand succès quelques jours après sa sortie en France. D'une durée de deux heures, le film traite, également, de plusieurs sujets tabous comme la virginité, l'homosexualité et la ménopause. Des problèmes enfouis hypocritement dans l'esprit des hommes et des femmes arabes. « Ce sont des sujets abordés avec beaucoup de douceur et de tendresse car je ne veux pas donner de leçon à personne », dit la réalisatrice qui ignore comment la sortie du film sera accueillie au Liban. Mais, pour l'actrice Fadia Stella, l'histoire du film poussera d'autres femmes à parler de leurs problèmes intimes et à briser les tabous dressés par la culture ou la religion. « Les choses bougent », assure-t-elle. « On a déjà donné à Beyrouth une représentation des « Monologues de vagin ». Une moitié du public a aimé, une autre a été scandalisée. Il y a eu aussi une exposition d'art abstrait sur la sexualité féminine. On n'aurait pas toléré cela quelques années auparavant. ». Rattrapée par la guerre et les assassinats politiques, la complicité des quatre héroïnes va-t-elle donner des idées aux Libanais pour s'unir, ne serait-ce que par le biais d'une « pâte caramélisée » ? A voir dans toutes les salles françaises…