Le secrétariat du Fonds monétaire international (FMI) a fixé hier minuit comme délai butoir pour la réception des candidatures au poste de directeur général. Vraisemblablement, la course à la succession de l'Espagnol Rodrigo Rato se limitera à un duel entre le Français Dominique Strauss-Kahn (DSK) et le Tchèque Josef Tosovsky. Un duel qui ne fait pas l'économie d'une nouvelle polémique mettant au cœur du débat le mode de désignation et partant celui de gouvernance prévalant au sein du FMI. C'est que les institutions issues de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale) ont instauré une règle de plus en plus décriée consistant en un partage de pouvoir entre les deux puissances sorties victorieuses de la Seconde Guerre mondiale. Les Etats-Unis se sont ainsi arrogé le droit exclusif de placer leur représentant à la tête de la Banque mondiale, tandis que la direction du FMI revenait à l'Europe. Si bien qu'aujourd'hui les deux protagonistes n'ont que leurs CV pour convaincre. Parti tôt dans la bataille, DSK, affublé du titre de chef de file de la social-démocratie au sein du Parti socialiste français (PS) et ancien ministre des Finances, n'a pas fait mieux que de promettre de poursuivre l'œuvre du DG démissionnaire, notamment en ce qui concerne la réforme du fonds. Assuré du soutien de l'Union européenne et des Etats-Unis, le candidat français se voit déjà prendre ses quartiers à Washington. De son côté, le candidat de la Russie, Josef Tosovsky, ancien banquier central et membre du parti communiste, s'est muré dans le silence. Aucune intervention n'a été rapportée par les médias internationaux qui ne manquent pas de s'interroger sur les motivations réelles de cette candidature. Le « gentlemen's agreement » entre les USA et l'Europe est vécu comme une grande injustice par le reste du monde. Les pays en développement assistent en spectateurs à une bataille qui les exclut par le mode de sélection et le poids électoral au sein du FMI. Pour le président de la commission de l'Union africaine, Alpha Oumar Konaré, « M.Strauss-Kahn est un homme de qualité, mais nous ne sommes pas d'accord sur la façon dont a été réglée cette question ». Et au responsable africain de s'interroger sur le contenu du programme de DSK. « Quelles réformes va-t-il faire ? Nous ne savons rien de son programme », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse organisée en marge de l'université d'été du Medef, la plus grande organisation patronale française. Dans le même cheminement d'idées, M. Konaré a souligné la nécessité de réformer le système des candidatures. « Il faut consolider le multilatéralisme pour aussi faire de la place aux autres, parce que ce système a été conçu il y a plus d'un demi-siècle », a-t-il dit. Le monde a évolué depuis la Seconde Guerre mondiale et la répartition des forces aussi. Entre autres réformes à introduire, celle de la représentation. Le président de la commission de l'UA fait remarquer que « le poids de l'Afrique est nul et mal réparti. Il y a des réformes profondes à apporter au sein de ces institutions et, bien sûr, en finir définitivement avec cette règle qui décide que tel poste est conservé par tel pays ou telle région parce que cela ne reflète pas l'état des forces aujourd'hui dans le monde ». L'Afrique n'est pas seule à prêcher le changement. La Russie le démontre en présentant son propre candidat. Pour Alexei Koudrine, ministre des Finances russe, « le système de sélection est injuste envers les autres grands pays du monde, y compris des membres du G8. Le choix devrait être fait de façon professionnelle ». Une montée de contestation aux allures de fin de règne pour un système conçu en l'absence de la majorité des Etats. Les concepteurs commencent à se rendre à l'évidence. Jean-Claude Juncker, actuel président de l'Eurogroupe (groupe des grands argentiers de la zone euro), vient d'affirmer au Financial Times Deutschland que « tout le monde est conscient que Strauss-Kahn sera certainement le dernier Européen à devenir directeur du FMI dans un futur prévisible ».