Balek, balek… », tonne une voix ample du côté de R'cif, un quartier de la vieille ville où la foultitude est tellement dense que l'on ne parvient à évoluer qu'au centimètre. « Où veux-tu que j'aille, tu vois bien que l'on ne peut avancer dans ce magma », rétorque une bonne dame en sueur, au bord de la crise de nerfs. En vérité, cela fait presque une semaine que la vieille ville constantinoise vit à ce rythme délirant. La frénésie marchande s'est emparée de la population autochtone relayée par celle des communes, voire des wilayas environnantes telles que Mila, Skikda, Jijel, en ces journées pré-ramadhanesques et pré-rentrée scolaire. Deux événements qui, cette année-ci, se télescopent au grand dam des citoyens, forcés de fouiller dans leur bas de laine pour puiser de quoi y faire face. A Souika, au cœur du vieux Constantine, par excellence, l'on se bouscule pour s'approvisionner en viande d'agneau dont le prix, curieusement ces jours-ci, subit une dégringolade sans précédent, affichant les 320 DA le kg. Mais la viande n'est pas à elle seule le motif de ce remous de foule : c'est que, c'est dans ce quartier, plusieurs fois centenaire, que les Constantinoises rénovent leurs garde-vaisselles. Ce sont donc les ustensiles qui y sont prisés et les meileurs de ces produits sont ceux qui sont confectionnés à base d'argile pour les mets de Ramadhan, chorba, mesfouf… La marmite accompagnée d'un sas (keskes) en terre cuite dans le plus petit gabarit, coûte 500 DA. La forme la plus accomplie coûte 850 DA. Plus en amont, à R'cif, les achats de vêtements pour enfants et adolescents, made in China, battent leur plein. Les produits étalés offrent plein les yeux aux parents accompagnés de leurs marmailles exubérantes. Côté esthétique, c'est l'atout maître des produits chinois, mais la consistance laisse à désirer. C'est d'ailleurs ce qui explique les tarifs bon marché pour les budgets modestes, déjà largement grevés par les dépenses des vacances, des fêtes ainsi que par la cherté des produits de première nécessité. Les tarifs des baskets des deux sexes varient de 400DA à 900DA. Les Jeans se négocient entre 600 et 950 DA, les pull-overs de 400 à 700DA et les tabliers de 200 à 500DA. Il est sidérant, par ailleurs, de voir une telle offre et une telle demande faire aussi bon ménage. C'est à faire mourir d'envie l'auteur de : « De la richesse des nations » de Sir Adam Smith qui enseignait que les deux paramètres économiques sont presque inconciliables. A l'extrême limite de R'cif, on pénètre à « maqaâd el hout » où une foule des grands jours de marché se heurte pour l'achat du blé concassé « frik » pour la chorba de Ramadhan. En dépit du fait que l'on considère consensuellement que le prix fixé à 200DA est excessif, sauf que cette céréale est un must qui accompagne les trente jours du mois sacré, et pour cela, on paie sans compter.