La situation sécuritaire en Algérie connaît de tragiques rebondissements avec la persistance d'attentats kamikazes. Qu'est-ce qui a basculé, selon vous ? Le nouveau groupe jihadiste qui se réclame d'Al Qaïda au Maghreb semble avoir changé de tactique et de stratégie. Avant, il prenait pour cible surtout la société civile et les gens d'en bas de l'armée. Sa cruauté disproportionnée et ses méthodes arbitraires lui ont aliéné la société algérienne. Désormais, le groupe (même s'il ne s'agit pas d'un seul mais d'un ensemble) ne cible pas tellement la société civile mais l'armée, la police et surtout les grands dignitaires, notamment le chef de l'Etat. Le jugement sous-jacent semble être le suivant : en attaquant le régime dans son noyau dur, on se range du côté de la société algérienne et on entend monter la vague de mécontentement populaire qui désigne le pouvoir comme l'origine du malaise. D'un autre côté, cette guerre contre le régime algérien a pour objectif de montrer les limites de l'amnistie et de la « réconciliation nationale » telles qu'elles sont prônées par le gouvernement algérien. Enfin, la différence entre l'Algérie et le Maroc est que dans ce dernier pays les « succès » d'Al Qaïda au Maghreb ont été, au mieux, très limités alors qu'en Algérie, les « succès » du jihadisme semblent indiscutables. Pour combattre efficacement le jihadisme, il faudrait que les gouvernements du Maghreb se rallient et coopèrent efficacement, ce qui est loin d'être le cas, compte tenu des différends et des méfiances mutuelles. En plus de la coopération entre les pays du Maghreb, quelle autre solution préconisez-vous pour sortir de l'impasse sécuritaire ? Sur le long terme, la réponse au terrorisme passe par l'ouverture du pouvoir et cela semble avoir atteint ses limites dans les pays maghrébins. Devant les nouvelles tactiques d'Al Qaïda au Maghreb, il faudrait une nouvelle stratégie de la part du pouvoir, ce qui devrait se concrétiser dans les mois à venir. Les cellules du jihadisme ne visent plus tellement la société civile de manière aussi outrancière que par le passé. Le pouvoir devrait s'adapter à la nouvelle donne, à supposer qu'il en ait la capacité.