Nous poursuivons aujourd'hui la suite de l'analyse proposée hier afin de tenter de comprendre ensemble comment sommes-nous arrivés à cette situation de blocage, voire de déficience mentale. La doctrine islamiste radicale est, avant tout, attentatoire aux libertés fondamentales et captatrice des consciences humaines dans une approche de sujétion culpabilisante. Nous le constatons, hélas, chaque jour au détriment de l'innocence et de l'intelligence. Dès lors qu'entre temps, les différentes voies de militance étaient passées de mode. Le nationalisme, le panarabisme, le baâsisme, le nassérisme, le socialisme, le trotskisme même, n'avaient plus grâce aux yeux de la société ni à l'esprit d'une intelligentsia falote et dépassée. La vacance des champs de connaissance moderne ; la carence d'un cadre conceptuel clair pour la formulation des idées audacieuses ; l'absence sur les scènes nationale et internationale, tant au niveau économique qu'au niveau politique, des hommes et des femmes qu'ils aient la stature et l'envergure de conduire les peuples arabes et musulmans vers plus d'émancipation, de progrès et de bien-être, ont jeté toute une jeunesse désorientée, frustrée, empressée d'agir et avide de résultats tangibles et immédiats dans les bras tentaculaires de l'hydre islamiste radicale. En outre, la mésintelligence entretenue et croissante entre les dirigeants arabes et leur impuissance à défendre « la mère de toutes les causes », la cause palestinienne, pire encore leur collaboration servile avec le néocolonialisme et la vassalité de facto envers le grand Satan impérialiste ont favorisé et accéléré l'implantation de l'islamisme. Ce dernier se veut l'alternative politique crédible, incontournable de par le parasitage de la religion islamique, seule référence identitaire dans toutes les contrées où la tradition est bien ancrée. La confiscation des bases scripturaires distordues et domestiquées à des fins d'adhésion militante a permis à la dévotion populaire fidéiste de grossir les rangs des activistes et d'accroître le nombre des nouveaux prosélytes. Mais l'ascendant moral sur les opinions publiques arabes et musulmanes de cette idéologie politico-religieuse s'illustre surtout dans sa présentation comme seul moyen efficace, radical et intransigeant de lutte pour sortir de l'ornière. Etre capable de redorer un blason plus que terni, venger l'honneur outragé, laver tous les affronts et récupérer la richesse spoliée et dilapidée, tels sont les mots d'ordre de l'antiphonaire islamiste. La mobilisation est de rigueur, l'activisme bat son plein et l'enthousiasme irréfléchi est débordant. La cohorte des endoctrinés est en ordre de bataille, prête à relever tous les défis putatifs ou incarnés, dans une foi inébranlable résolue à changer de dessein, à forcer le destin. Le temps de l'humiliation est révolu, la communauté des croyants est embrigadée, « la meilleure qui soit suscitée au monde », ne peut plus s'accommoder d'une vie mortifère. Le vent de l'émancipation souffle et ne fait que forcir. C'est la révolution tous azimuts, la métamorphose mentale est radicale. Il n'y a plus à penser ou à réfléchir. Il faut simplement obéir et exécuter, eu égard à l'omniprésence de l'inimitié et à l'imminence du péril ravageur. Le grand effort salvateur est à déployer partout et tout le temps. Tout est à recouvrer et préserver : liberté, dignité, vitalité et prestige. Aussi l'ensemble des charges et des obligations du militant islamiste est-il très étendu. Celui-ci est voué constamment à être au service de… En effet, servir les frères combattants, où qu'ils se trouvent, est une priorité absolue. Préférant la mort à la vie, privilégiant l'exécution à la réflexion, il doit, dans une culture sacrificielle élaborée par les doctrinaires sermonnaires, défendre et soutenir, envers et contre tous, sa patrie, sa communauté, sa religion, son prophète, son dieu ! L'auteur est Président de la Conférence mondiale des religions pour la paix