Comme chaque année, le neuvième mois du calendrier lunaire invite les musulmans à se retremper dans une atmosphère particulière et dans une ambiance qui diffère du reste de l'année. Ainsi, l'espace de vingt-neuf ou trente jours, les gens s'inscrivent dans un canevas en reprenant langue avec de nouvelles habitudes, qui pour se ressourcer dans le recueillement, qui pour multiplier les actions de bon samaritain et qui pour tirer le maximum de profits en déliant la corde des bourses des ménages mises, faut-il souligner, à rude contribution, surtout avec la rentrée des classes. Une véritable frénésie rythme le pouls des rues, souks et autres supérettes fébriles et grouillants de monde. Pour nombre de jeûneurs, le mois de Ramadhan est synonyme de dépense outrancière et de prodigalité ruineuse. Quitte à s'endetter, d'aucuns outrepassent leurs moyens financiers pour s'offrir sans retenue tout ce qui peut leur donner matière à se pourlécher les babines. Gargantua est omniprésent, et il n'y a pas lieu de déroger à la règle pour se laisser aller à l'excès de table, sommes-nous tenus de croire. Tout se vend et tout s'achète sans compter, au grand bonheur des marchands de circonstance qui attendent « goulûment » les faux boulimiques ramadanesques pour leur fourguer parfois, n'importe quoi et à n'importe quel moment. Parallèlement, et comme de tradition, les actions de solidarité se mettent en branle pour venir à la rescousse de plus de 80 000 familles démunies recensées dans la wilaya d'Alger, apprend-on. Un chiffre quand même effarant qui ne renseigne pas moins sur les ménages qui vivent dans la dèche. Restons dans le registre de cette frange de population qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour s'offrir un ordinaire consistant. Celle-là même qui tente, par ailleurs, de vivoter avec une maigre pitance le reste de l'année de notre ère hégirienne. Combien sont-elles ces familles qui nous apostrophent à longueur d'année sous les arcades de la cité, tendant la sébile ? Quel est le nombre de SDF loqueteux qui ne sont pas comptés dans le répertoire de nos restos du cœur ? « Là, seul Coluche pouvait répondre à tes interrogations », me rétorque non sans ironie mon ami Kamel.