Comme chaque année, le neuvième mois du calendrier lunaire invite les musulmans à se retremper dans une atmosphère particulière et dans une ambiance qui diffère du reste de l'année. Ainsi, l'espace de vingt-neuf ou trente jours, les gens s'inscrivent dans un canevas en reprenant langue avec de nouvelles habitudes qui, pour se ressourcer dans le recueillement, la communion et la piété dans les lieux de culte, qui pour multiplier les actions caritatives et qui pour tirer le maximum de profits en faisant flamber les prix. Car chez nous, il est devenu un lieu commun de dire que la mercuriale grimpe lors de ce mois sacré, au gré, convenons- en, des « nafahate » et « nachwate » (caprices) ramadhanesques qui s'emparent des gens. A dire aussi, que la démesure et l'absence de modération semblent dicter les réflexes des jeûneurs, peu enclins au labeur. Une véritable frénésie rythme le pouls des rues, souks et autres supérettes, notamment lorsque l'astre flamboyant commence à décliner de son point de zénith avant de laisser place à la lumière vespérale du coucher. Tous les produits qui peuvent titiller la panse, made in « ailleurs ou ici » jonchent les trottoirs et narguent ostensiblement les jeûneurs du mois du pardon (tout dépend quel sens donner à ce dernier !). L'essentiel est de faire montre de prodigalité et rehausser sa meïda d'abondance avant la rupture du jeûne, même au risque du gaspillage. Dans ce méli-mélo, des actions de bon samaritain se déploient dans chaque arrondissement en invitant une catégorie de plèbe à se mettre en procession au portillon des restos de la Rahma pour décrocher la sébile. Dans le même registre, le ministère de la Solidarité nationale fait œuvre de bon enfant en retroussant les manches, à sa manière, selon la carte sociale des communes dont les foyers pauvres sont qualifiés, par euphémisme, de familles démunies. Comme si ces dernières n'ont droit à la pitance que lors du mois sacré. Il sont plus de 1,5 million à se disputer – dans un décor affligeant – les packs alimentaires au moment où d'autres tirent profit de cette opération. N'aurait-il pas été judicieux d'opter pour le mécanisme qui permet le virement direct du montant de l'aide dans les comptes des ménages en détresse ? Mais cela est une autre histoire.