La présence des télévisions étrangères dans le temps de loisir, de culture et d'information des populations du Maghreb est tellement importante qu'elle en devient une donnée structurelle, qui conditionne l'évolution même des chaînes publiques locales. Dans le sens d'un appauvrissement des grilles et le désintérêt de leurs « publics naturels », et subséquemment leur extraversion. Au point que les dirigeants des offices de télévision tant à rabat, qu'à Alger ou Tunis ne voient de possibilité d'évolution de leur programmation qu'à l'aune d'une concurrence – et un mimétisme forcé – que dictent les écrans arabophones et francophones engageant les auditoires de la région parmi leurs cibles. D'un stimulant colloque tenu à Tunis, un ouvrage collectif (*) récemment publié trace les problématiques et nouveaux questionnements émis sur les mutations de ce qu'il est convenu d'appeler le paysage audiovisuel international dans lequel baignent aussi les sociétés maghrébines. Ces jours-ci de Ramadhan, où partout en terres d'islam on note de plus fortes fréquentations des programmes audiovisuels, télévision, mais aussi radio et vidéo et lecture des journaux, on peut constater à quel point les gérants des systèmes audiovisuels nationaux ne peuvent au mieux par leurs innovations dites de période « spécial ramadhan » - balancées dans de clinquants faits d'annonce - capter quelques minces moments des temps d'écoute des auditoires nationaux : autour de la rupture du jeûne. Et, volatiles, les publics vont zapper ailleurs dans le paysage. C'est face à cet immense offres de programmes en développement exponentiel, et ses ressorts, que l'ouvrage publié en partenariat entre l'Institut de presse et des sciences de l'information et la fondation Konrad Adenauer renouvelle les questionnements sur les conditions de l'entrée du Maghreb dans ce qu'il est convenu la mondialisation de la communication. Vaste programme auquel l'ouvrage n'a pas prétention de réponses globales et complètes. Sans pouvoir les citer toutes bien sûr dans l'espace de papier, relevons certaines qui indiquent comment les pays du Maghreb subissent cette mondialisation forcée. Larbi Chouikha, coordonnateur de la rencontre et des actes, en pointe au moins un d'importance : « Est-ce que le foisonnement de chaînes arabes a permis l'éclosion d'une « opinion publique arabe ou bien, de ce que certains politologues arabes préfèrent énoncer la « rue » arabe ? Et si elle existe dans les faits, quels effets provoque-t- elle chez les décideurs arabes ? Le chercheur tunisien n'omet pas, même si des collègues ont souvent soulevé la question, de souligner le grave déficit des travaux de recherche empirique sur la réception des programmes disponibles. Et l'émergence de fait de nouvelles pratiques de réception, individuelles ou familiales induites par l'intrusion recherchée des télévisions des autres. Tourya Guaaybess, chercheuse au CNRS, s'est de son côté attaquée à comprendre l'évolution souvent relancée, et plus souvent encore en vain, des « réformes des télévisions », à partir des cas marocain et égyptien. Les annonces successives en ce domaine pour la création de chaînes privées « s'inscrivent certes dans le mouvement dans le mouvement général de libéralisation des économies, dont les processus sont plus ou moins bien entamées dans les pays arabes. Elles s'inscrivent surtout dans la volonté des différents régimes d'afficher l'instauration ou l'accélération de processus dit de démocratisation. » Les limites objectives relevées par l'auteur tiennent d'un point cardinal dans le cas égyptien. L'Etat a permis l'ouverture de jure à une condition restrictive fondamentale : les entreprises doivent s'installer dans la zone France médiatique, Media City, lancée en 2000. Le ministère de l'information gère les activités de cet espace de haute main. L'espace audiovisuel de la région est dans le fond fermé par les effets d'ouverture / fermeture. S'y greffe un modus vivendi entre les « nouveaux entrepreneurs locaux » et l'Etat, pour limiter la portée de la libéralisation de l'audiovisuel partout où elle a été claironnée. (*) Les mutations du paysage audiovisuel international : problématiques actuelles. Tunis, 2007, ouvrage collectif publié par L'Institut de presse et des sciences de l'information et la fondation Konrad Adenauer.