La soirée ramadhanesque sur l'après-pétrole organisée dimanche par la fondation Friedrich Ebert a été l'occasion pour l'économiste Hamid Aït Amara d'exprimer des prévisions pessimistes sur l'avenir alimentaire de l'Algérie. Cet expert en agriculture algérienne avertit d'emblée que la dépendance alimentaire aura des conséquences pernicieuses dans les décennies à venir sur la société et l'Etat. Deux questions importantes doivent faire, selon lui, l'objet d'un débat profond. La première a trait aux moyens financiers dont dispose l'Algérie pour faire face à sa facture alimentaire qui s'accroît de plus en plus. M. Aït Amara soulignera que l'opulence financière dont bénéficie l'Algérie à la faveur de recettes pétrolières exceptionnelles ne va pas durer. Les réserves pétrolières et gazières de l'Algérie s'amenuisent, a-t-il indiqué, en s'appuyant sur des chiffres fournis par des experts. Ces derniers soutiennent que le ratio global réserves sur production de pétrole brut de l'Algérie ne saurait dépasser 17 ans, alors que celui du gaz est de 53 ans. « En dehors des recettes pétrolières, on ne peut même pas payer un quintal de semoule », assène le conférencier qui rappelle que « la population est nourrie à 80% par les importations ». Il ira plus loin en soulignant la dangerosité de cette dépendance alimentaire qui peut s'avérer être une arme redoutable. Un embargo alimentaire tel que celui imposé à l'Irak il y a quelques années peut être aussi destructeur que les armes conventionnelles. Or, l'Algérie qui importe pratiquement tous les produits alimentaires dépend entièrement du marché international, déplore-t-il. L'Algérie n'est donc pas à l'abri. Mais au-delà de cet aspect, cet économiste fera remarquer que les produits alimentaires proposés sur le marché international sont le fruit de productions excédentaires. Avec l'accroissement de la population, les pays producteurs n'auront plus de surplus à exporter. Dans ce contexte, l'Algérie ne pourra pas s'approvisionner quand bien même elle sera dans une situation financière favorable. Ce problème se posera avec acuité notamment pour les céréales. La plupart des pays producteurs préfèrent laisser les surfaces destinées à cette culture en jachère afin de maintenir la tendance haussière des cours de cet aliment de base surtout après la suppression des subventions gouvernementales qui permettaient d'avoir des prix en dessous du coût de revient. D'autres préfèrent se tourner vers la transformation de ces mêmes céréales en carburant autrement plus rentable. Et ce sont les pays consommateurs, y compris l'Algérie, qui font les frais de ces changements dans les politiques agricoles de ces pays. « L'effet est actuellement amorti par les cours élevés du pétrole, mais qu'en sera-t-il à long terme ? », s'interroge M. Aït Amara.