“Quel avenir pour l'agriculture alimentaire en Algérie ?" C'est le thème de la conférence-débat animée, dimanche soir, par l'économiste Ahmed Aït Amara, au siège de la fondation Friederich Ebert. Celui-ci relèvera d'emblée que l'Algérie est totalement dépendante des importations pour son alimentation. C'est ainsi qu'il indiquera que les biens importés par l'Algérie sont à 80 % des biens alimentaires. Mais le pire est que le volume de ces importations ne cesse d'augmenter d'année en année, car la croissance démographique (actuellement située à 1,9 %) est relativement élevée et reste supérieure à la croissance agricole. C'est ainsi que la valeur des importations de biens alimentaires est passée de 1 milliard de dollars dans les années 1970, à 3,5 milliards de dollars dans les années 2000. Et au-delà de cette dépendance en volume, relèvera M. Aït Amara, l'Algérie est encore plus dépendante du point de vue qualitatif car elle importe tous les produits de première nécessité comme les céréales, les oléagineux, les légumes secs, le lait…etc. A titre d'exemple l'Algérie est considérée comme le plus gros importateur de blé du bassin méditerranéen. Celle-ci a d'ailleurs importé 5 millions de tonnes de blé en 2005 et devrait en importer 8 millions en 2015. Aussi, cette dépendance des importations peut se traduire sous deux aspects : la dépendance vis-à-vis du marché mondial et la dépendance vis-à-vis de la disponibilité de liquidités devant nous permettre d'importer des biens alimentaires, donc une dépendance des exportations en hydrocarbures. Pour ce qui est de l'offre du marché mondial, on s'aperçoit aujourd'hui que celle-ci s'amenuise. Les facteurs ayant conduit à cette situation sont multiples. Il y a d'abord la croissance démographique mais aussi la salinisation des sols et le changement climatique. Mais le facteur qui a le plus contribué à réduire l'offre reste les politiques agricoles adoptées par les pays excédentaires, donc les exportateurs, notamment dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. M. Aït Amara a indiqué que ces pays ont adopté dès les années 1960 le système des subventions agricoles afin d'amortir les prix des produits agricoles. Certaines atteignaient même jusqu'à 60 % du prix de la production. Mais avec les règles de l'OMC, on a dû mettre fin au système des subventions. Il ne restait donc plus d'autre choix aux producteurs que de répercuter ces subventions sur les consommateurs en réduisant l'offre et en laissant les prix grimper. Il y a également le contrôle de l'offre, notamment dans les pays européens qui ont adopté un système des quotas et de jachères pour éviter qu'il y ait un surplus de production. Malheureusement, aujourd'hui on se rend compte qu'il y a un déficit de production auquel il est difficile de palier. Conséquence, les prix des produits alimentaires ont doublé en moins d'une année sur les marchés internationaux. Une augmentation que le simple consommateur algérien ne peut supporter, lui qui dépense plus de 56 % de son revenu pour s'alimenter. M. Aït Amara relèvera dans ce contexte que l'Algérie, avec un smig à 120 euros, se situe dans la zone de salaire la plus basse du bassin méditerranéen. Il considère donc que le développement de l'agriculture alimentaire est une question de sécurité. Il se fera alarmiste lorsqu'il évoque toutes les fois où le Conseil de sécurité de l'ONU a eu recours à des embargos alimentaires en guise de sanctions. Pour ce qui est des disponibilités en liquidités, il affirmera que pour le moment l'Algérie dispose de réserves en devises importantes grâces aux exportations d'hydrocarbures. Malheureusement, cela ne pas durer éternellement, car le ratio des réserves prouvées de pétrole par rapport à la production est de 17 ans et il de 53 ans pour le gaz. Il faudra donc trouver les moyens de s'assurer des liquidités en dehors des exportations en hydrocarbures. M. Aït Amara rappellera, dans ce contexte, que les politiques économiques adoptées depuis quelques années tournent autour de trois axes, à savoir les IDE, l'émergence d'un véritable secteur privé et l'ouverture du marché. Pour ce qui est des IDE, force est de constater que ceux-ci tardent à venir malgré toutes les politiques incitatives adoptées. Il indiquera dans ce sens que le capital cumulé pour les principaux partenaires commerciaux de l'Algérie, à savoir l'Espagne, la France, l'Italie et l'Allemagne ne dépasse guère les 400 millions de dollars. La raison en est, selon M. Aït Amara, que l'Algérie ne dispose pas d'un tissu de PME conséquent autour duquel pourrait s'articuler toute industrie, contrairement au Maroc par exemple. Pour ce qui est du secteur privé national, l'économiste estimera que celui-ci est quasi-inexistant ou n'investit guère dans l'industrie. Résultat des courses, les pouvoirs publics se retrouvent dans l'obligation de recourir aux entreprises étrangères pour mener à bien tous les programmes de développement et nous nous retrouvons donc avec un coût exorbitant de la balance des paiements. Il estimera enfin que l'ouverture commerciale sans véritable contrepartie ne fera que laminer ce qui reste de notre industrie, puisqu'elle favorisera la concurrence de ceux qui importent au détriment de ceux qui veulent réellement investir.