Il l'était également et surtout parce qu'il se frottait à un auteur « maudit », un Kateb Yacine auquel tous ceux qui s'y sont frottés en Algérie pour l'adapter ou le mettre en scène y ont plus ou moins laissé des plumes. En homme averti, Assous a eu la sagesse de s'entourer de valeurs sûres, des talents qu'il a convaincus de son projet de réactualisation de la poudre d'intelligence en en faisant une œuvre qui s'adresse aux Algériens, ceux de l'ici et maintenant, alors que Kateb avait écrit cette œuvre dans les années 1950 pour interpeller l'Autre dans sa langue. Ainsi, il a fait appel à Youcef Mila pour l'adaptation, à Abderrahmane Zaâboubi pour la scénographie, à Slimane Habbès pour la chorégraphie, à Omar Assou pour la musique et à Azzedine Abbar comme conseiller artistique. Le résultat est plaisant, charriant impertinence et causticité, selon l'esprit de Kateb. En fait, entre le spectacle que nous avons vu lors du Festival du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès et celui qui a été présenté à la maison de la culture de Témouchent, il y a eu de notables changements. S'il reste trépidant, mené tambour battant, Hassan y a ajouté une bonne dose d'irrévérence, allant au-delà de ses premières inhibitions, en prenant, à rebrousse-poil, les discours convenus ainsi qu'en particulier, la pruderie ambiante qui règne depuis les années 1990, et qui a rendu les Algériens d'une rare pudibonderie. C'est parfois à coup de grossièretés, mais sans vulgarité qu'il arraché des râles de protestation chez une partie du public ; cela sans, heureusement, provoquer l'irréparable, ni de sorties intempestives. Dans son entreprise, il a été grandement secondé, en cela, par une paire de diables : le virevoltant Abdelkader Djeriou et Abdallah Djellab, un comédien d'instinct comme il en existe peu. A leurs côtés, une prometteuse Nawal Benaïssa. Le premier campe un Djeha moderne, facétieux à souhait, plutôt subversif que bouffon. Abdelkader Djeriou y a investi sa fougue et un talent qui l'ont distingué lors des deux dernières éditions du Festival national de théâtre professionnel d'Alger. Quant à Abdallah, en monarque de conte et légende, il est un roi et un président tout ce qu'il y a d'aujourd'hui, dictateur, démagogue et jouisseur. Dans ce rôle, le 1er prix d'interprétation masculine du 2e Festival du théâtre professionnel d'Alger, il a su éviter la caricature et le raccourci en optant pour une subtile parodie. Quant au chevronné Mohamed Kadri, sobre mais pas effacé, il a su être un efficace larron en foire. Quant au reste de la nombreuse distribution, il a su tenir l'infernal rythme de couleurs et de mouvements que lui a imposé Hassan. Il reste que parce que Ghabrat el fhama a privilégié le spectaculaire, il a quelque peu fait perdre de vue le nécessaire équilibre entre jeu intérieur et l'extériorité qui a dominé de bout en bout. Toujours est-il que le TRSBA vient de signer une nouvelle production, qui le maintient dans le peloton de tête des théâtres publics où il s'est installé depuis quelques années.