C'est dit quelque part qu'un malheur ne vient jamais seul. C'est le scénario que semblent vivre les producteurs de pommes de la ville d'Arris et sa région, à savoir Ichmoul, Inoughissen, Boussad, jusqu'à Belihoud. Après les crues de l'an passé (mai 2006), qui ont dévasté toute la région avec ses habitations, ponts et routes, ce sont surtout les vergers de pommiers qui ont pris, de plein fouet, le désastre. Notons que ces vergers constituent la principale richesse de la région. Moult promesses d'aide ont été faites par différents visiteurs de haut rang, mais hormis la reconstruction des ponts, les agriculteurs n'ont eu, en guise d'aide, que des promesses. Une année après, un ennemi classique et de longue date frappe à son tour le verger : la gelée tardive du mois de juin. Elle n'a épargné aucune espèce de pomme. Deux coups successifs (crue et gelée), considérés comme tir croisé, et beaucoup de fellahs parlent de mauvais sort, et comptent même changer d'activité. Ils disent qu'ils n'ont ni les moyens, ni le souffle pour faire face à cette nouvelle calamité. A. Barki, universitaire et producteur de pommes, nous explique la situation et nous donne un aperçu historique : « Tout au début, les paysans avaient entamé l'expérience de la production de la pomme avec une variété locale qu'on appelle en chaoui Adhafou, qui a donné de très bons résultats, c'est-à-dire une bonne production, entre qualité et quantité. Ce n'est que vers la fin des années 1960 et le début des années 1970 que les premiers plants étrangers ont été introduits dans la région comme la Golden, la reinette… Le climat de montagne était l'un des meilleurs facteurs pour la réussite de la pomme dans toute la région d'Arris qui, de nos jours, s'est propagé à travers toutes les régions limitrophes : Imin Tob, Bouhmam, et même dans la région de Merouana, à plus de 130 km de la capitale de la pomme Arris. Certains producteurs, lors de notre discussion, découragés par ce coup double et même par le projet évanoui de la réalisation d'une cidrerie, qui devait être la première de la région, du fait du rendement de cette saison qui est divisé par dix, sinon plus pour certains, se disent incapables de tout investissement, du moins dans l'immédiat. M. Hocine, producteur depuis une vingtaine d'années dira : « Nous aimons ce travail, et nous l'exerçons dans des conditions difficiles, surtout l'hiver. Cependant, il n y pas que la gelée et la crue qui nous menacent, il y a aussi les acariens, les champignons, les insectes, dont la carpocapse est parmi les plus dangereux. Avec le temps, nous avons appris à mieux protéger nos vergers, seulement, quand vous constatez que les engrais, éléments indispensables aux arbres, taxés à18%, comme étant un produit de luxe, on a le droit de se demander de quelle aide parle la tutelle ». Les producteurs existent et ils sont nombreux, cependant, ils ne sont pas organisés ; il n'y a pas d'association de producteurs de pommes, comme c'est le cas pour l'association des producteurs d'abricots à N'gaous. Cela constitue un véritable point faible, car du côté de l'institution, l'interlocuteur reste vague, sinon inconnu. Avec qui discuter ? A qui s'adresser ? La fête de la pomme, qui aura lieu vers la fin du mois d'octobre, début novembre à Arris, va certainement être l'occasion de créer une association, ou du moins en débattre l'idée. Le dépérissement qui a touché l'abricotier à N'gaous, sans que les producteurs ne voient le danger venir, pour l'unique raison qu'ils n'avaient pas pensé à s'organiser, peut donner à réfléchir. L'arbre est un être vivant, pas un tiroir-caisse.