L'offensive des forces américano-irakiennes surnommée « Phantom fury » par les Américains et « Opération aube » par le gouvernement irakien lancée lundi sur Falloujah, une ville sunnite distante d'une cinquantaine de kilomètres de Baghdad, se poursuivait hier au milieu des ruines et des bombardements qui ont transformé les secteurs non encore tombés entre les mains des forces américaines de la ville assiégée en véritable camp retranché. Des sources militaires américaines ont indiqué hier que leurs forces se trouvaient à un kilomètre du centre de Falloujah. Les mêmes sources reconnaissent que leurs troupes ont rencontré une farouche résistance au début de l'offensive, mais qu'elles ont désormais la situation bien en mains. D'épaisses colonnes de fumée s'élévaient hier dans le ciel en divers points de la ville. Les habitant qui n'avaient pas quitté Falloujah depuis que la ville qui échappe au contrôle américain intéresse la puissance occupante, se précipitaient hier sous le déluge de feu qui s'était abattu sur la région à abandonner leur ville. Environ 30 000 marines et soldats irakiens de la Garde nationale sont engagés dans la bataille de Falloujah, la première intervention militaire de grande envergure depuis la chute du régime de Saddam Hussein. En face, les milices qui ont pris les armes contre la présence américaine ne dépassent guère 2000 hommes, déterminés à défendre leur ville. La bataille de Falloujah revêt un caractère stratégique pour les forces américaines ainsi que pour le gouvernement irakien qui a donné sa bénédiction pour cette offensive. La ville sunnite est fortement suspectée d'être un sanctuaire du mouvement islamique de Abou Mosaab Zerkaoui qui a juré de faire de l'Irak un second Vietnam pour les Américains et d'être aussi une base de repli des éléments de l'ancien régime. Les moyens militaires engagés dans cette opération pour déloger les milices rebelles sont à la mesure de la réputation de bastion de la résistance qu'a gagnée cette ville depuis l'invasion de l'Irak et la chute de Saddam. L'approche des élections en Irak, prévues pour le mois de janvier prochain, justifie l'offensive contre Falloujah que l'on cherche à « pacifier » pour créer les conditions sécuritaires nécessaires à la tenue du scrutin. Cette offensive se veut aussi un avertissement à l'adresse d'autres villes rebelles qui persisteraient dans la voie de l'affrontement. Hier « l'armée islamique d'Irak » a appelé ses combattants à attaquer une vingtaine de cibles dont entre autres des bâtiments officiels stratégiques tels que le ministère de l'Intérieur, celui du Pétrole, le Palais présidentiel... et cela en riposte à l'offensive contre Fallouijah. Le Parti islamique, membre de la coalition gouvernementale du Premier ministre irakien Iyad Allaoui, a menacé hier de se retirer du gouvernement si l'offensive contre la ville de Falloujah n'est pas suspendue. De son côté, le comité des oulemas, principale organisation des sunnites d'Irak, est monté au créneau lundi pour accuser le gouvernement irakien d'être « au service de l'occupant et au détriment du peuple ». (...) « Ce qui se passe est une extermination du peuple », déclare l'organisation. Si l'issue de la bataille qui se livre à Falloujah ne fait pas de doute tant le combat qui s'y déroule est inégal, il reste que les Américains n'auront gagné que sur le terrain militaire. Ce n'est certainement pas le moyen le plus indiqué pour persuader la population de se rendre aux urnes dans quelques semaines pour mettre en place les institutions élues.