Les forces multinationales maintiennent la pression sur les poches «rebelles» du «triangle de la mort». Les contingents des forces américaines et des gardes nationaux irakiens engagés dans la vaste offensive entreprise depuis le 8 novembre dernier contre la guérilla et les poches de résistance de la rébellion poursuivaient hier la traque des rebelles à Falloujah, Mossoul et Latifiyah, toutes, fiefs de la résistance irakienne à l'occupation américaine. Les états-majors américains et du gouvernement intérimaire irakien n'ont cessé ces derniers jours de publier des communiqués victorieux mais la réalité sur le terrain est autre. En effet, si les forces multinationales (avec la participation de contingents des pays de la coalition mise sur pied par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne) arrivent, ou sont arrivées à déloger de leurs forteresses les groupes se revendiquant de la résistance, elles n'ont pas pour autant ramené la sécurité dans ces régions qui sont l'objet de toutes les surenchères. De fait, les combats se poursuivent, certes sporadiquement, tant à Falloujah qu'à Latifiyah ou à Ramadi ce qui indique que les forces «légales», qu'elles soient de l'occupation étrangère ou du gouvernement intérimaire irakien, sont loin de contrôler le pays comme elles auraient bien voulu le faire à la veille d'élections générales qui s'avèrent cruciales pour le devenir de l'Irak. A Falloujah, les groupes d'Abou Moussab Al-Zarqaoui, évincés de la ville rebelle par l'action conjuguée des forces américaines et de soldats de la garde nationale irakienne, semblent revenir à la charge ; ils annonçaient, sur un site Internet, qu'ils avaient «réorganisé» leurs groupes et qu'ils reprenaient les attaques antiaméricaines. Signé par un «Conseil des Moudjahidine», instance qui a dirigé pendant plusieurs mois la ville rebelle de Falloujah, le communiqué diffusé jeudi indique: «Après une réorganisation, les moudjahidine ont recommencé mercredi à lancer des attaques visant à briser la légende d'invincibilité des forces de la coalition et des traîtres collaborateurs qui sont sous les ordres du Premier ministre Iyad Allaoui, et du ministre de l'Intérieur Fatah Al-Nakib.» Les autorités intérimaires irakiennes ont indiqué hier que l'offensive contre le triangle de la mort s'est poursuivie hier sans qu'il soit donné d'autres informations sur les résultats de cette opération d'éradication de la rébellion. Toutefois, le secrétaire d'Etat intérimaire irakien à la Sécurité nationale, Kassem Daoud, tout en réaffirmant la détermination de son gouvernement, a donné quelques indications chiffrées de l'offensive contre Falloujah, soulignant: «Nous luttons simultanément contre le terrorisme dans le sud de Bagdad, les environs de Falloujah, à Mossoul et à Diyala», annonçant par ailleurs que «2085 personnes avaient été tuées à Falloujah (au cours de l'offensive américano-irakienne lancée le 8 novembre) et plus de 1600 autres ont été capturées» sans autre précision. Par ailleurs, hier, la force multinationale (FMN) a annoncé la mise sous contrôle de la ville de Latifiyah, au sud de Bagdad, l'un des fiefs de la résistance sunnite. Toutefois ces prises de contrôle étaient attendues, d'autant plus qu'à l'exception de Falloujah où la résistance s'était installée à domicile, dans les autres villes et provinces irakiennes, la guérilla mène des escarmouches qui maintiennent l'insécurité et l'instabilité du pays rendant à tout le moins aléatoires les élections générales prévues le 30 janvier prochain. Elections qui restent en fait suspendues à l'évolution prochaine de la situation sécuritaire sur le terrain. L'autre paramètre à prendre en compte est la participation populaire à ce scrutin censé rétablir un tant soit peu la légitimité de pouvoir à Bagdad. D'ores et déjà, les sunnites appellent au boycott de la consultation du 30 janvier, ce qui n'augure pas de la crédibilité d'une élection préparée au pas de charge par le gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui alors que le devenir de l'Irak dépendra de la réussite de cette consultation qui vient un peu tôt alors que le pays se débat dans toutes sortes de problèmes au moment où l'insécurité est maîtresse du terrain. De fait, les ambitions sous-jacentes de Iyad Allaoui, dont la précipitation à organiser les élections est injustifiée au vu de la situation actuelle, mettent en péril le retour à la légitimité en Irak.