Hubert de Givenchy donne naissance, cinq ans après sa maison de couture, à une nouvelle société dédiée aux parfums. L'entreprise est modeste. Elle comprend trois personnes, un budget de 6000 dollars et un local composé d'une pièce prêtée par Cristobal Balenciaga. Deux jus sont lancés : L'Interdit et Le De. « Le premier responsable de cette entreprise explique qu'il était persuadé qu'il aurait au moins un des deux qui allait plaire », explique Hubert de Givenchy. Le premier parfum Le De évoque sa particule d'homme bien né. La fragrance en question, qui est un raffiné du muguet, est offerte aux clientes de la haute couture et fabriquée à la demande pour celles qui veulent renouveler leur flacon. Le parfum ne sera commercialisé qu'en 1960 et seulement dans trois points de vente en France. Plus exclusif, L'Interdit fut créé par sa femme Audrey Hepburn. « J'avais en tête une photo d'elle, le visage recouvert d'un voile transparent, comme un voile parfumé, confie le couturier. J'ai cherché des notes qui correspondaient à sa personnalité. Je la faisais réagir aux essais. Les deux fragrances Le De et L'Interdit étaient fabriquées à 500 exemplaires annuellement. Mais le vrai succès commercial viendra, 10 ans plus tard, avec Givenchy III. Un parfum composé d'un chypre floral construit autour du jasmin, de la jacinthe, accompagnés des notes herbacées du galbanum ». Pourtant, la maison ne prendra sa dimension internationale qu'au cours des années 1982 à 1997, en développant « le grand export » dans une trentaine de pays. C'est l'époque d'Ysatis (1984), d'Amarige (1991), d'Organza (1996), des parfums aux accents très couture. Dessiné par Pierre Dinand, le flacon d'Amarige évoque la fameuse blouse Bettina aux manches volantées. Celui d'Organza, signé Serge Mansau, dessine une silhouette en fourreau drapé. Le PDG des parfums Givenchy Alain Lorenzo se souvient que quand il est arrivé, « on était encore dans l'esthétique d'Hubert Givenchy. À l'époque, les parfums, très classiques, étaient en retrait par rapport à la mode. En 1999, avec Hot Couture, on épouse les codes McQueen ». Le jeune créateur qui prend les rênes de la mode, après le départ d'Hubert de Givenchy, en 1996, et le passage de John Galliano, s'exprime dans la provocation. « Il proposait une couture rageuse, empreinte d'une très forte sensualité qu'on ne trouvait absolument pas dans l'élégance raffinée d'Hubert de Givenchy », poursuit le PDG. Il avait d'ailleurs nommé Viol dans les Highlands, une de ses premières collections. Cette sensualité extravertie est toujours revendiquée aujourd'hui avec Very Irrésistible, une gourmandise à la rose incarnée par la pulpeuse Liv Tyler, et Ange ou Démon, traduction sexy d'un éternel féminin revu pour le XXIe siècle. Dès 1959, les parfums masculins imposaient aussi leur style. Lancés juste après L'Interdit et Le De, Vetyver, le parfum personnel d'Hubert de Givenchy, et Monsieur, à la fraîcheur élégante de bergamote, citron et lavande, annoncent, dans le sillage de Pour un homme de Caron, une nouvelle génération, plus encline à se parfumer. Vingt ans plus tard, Xeryus s'affiche comme l'alter ego viril d'Ysatis. L'Insensé, lui, fait bande à part avec sa bonne humeur affichée. La surprise viendra de PI, un parfum décalé qui porte en lui le mythe de l'explorateur. « Lors de son lancement en 1998, le parfum a immédiatement séduit les scientifiques, se souvient Françoise Donche. Particulièrement aux etats-Unis. Nous recevions des lettres enthousiastes de la SiliconValley. » En 2007, les parfums Givenchy fêtent sur 50 ans de création. Certaines fragrances mythiques avaient disparu, d'autres étaient devenues rares. Givenchy fait revivre à cette occasion les parfums qui jalonnent l'histoire olfactive de la maison.