Le mois de Ramadhan est l'occasion pour la majorité des téléspectateurs algériens tout occasionnels de l'ENTV de renouer avec les programmes de l'Unique. Impossible d'y échapper, au moment de la traditionnelle et incontournable " chorba ", elle est pour beaucoup d'entre eux aussi indispensable que la tranche de citron qui accompagne le " bourek " du " f'tour ". Comment pourrait-il en être autrement lorsque les trois " chaînes " publiques tout aussi uniques diffusent pratiquement le même programme sur la tranche horaire qui s'étale de 19 à 20 heures 30 ? C'est-à-dire de l'appel à la prière pour la rupture du jeûne ou plus exactement de quelques minutes avant, consacrées à la diffusion de quelques extraits du Coran, jusqu'au journal télévisé. Un " prime time " inespéré et unique - encore une fois - dans le genre, puisque la tranche horaire en question est celle où l'audience de la télévision nationale est la plus élevée. Les gestionnaires de l'ENTV et les annonceurs publicitaires l'ont bien compris, au regard du nombre considérable de " sponsors " qui défilent ou plutôt qui s'insinuent entre les images ou en surimpression sous forme de bandes-annonces… C'est mieux, financièrement parlant, pour la télévision publique qui règne en monopole absolu dans le paysage audiovisuel algérien ? Seulement voilà : les modestes contribuables que nous sommes, assujettis à la redevance payée sur notre consommation d'électricité, seraient en droit d'exiger davantage. Non seulement au plan de la qualité, mais surtout de la diversité des produits qui nous sont, non pas soumis, mais hélas imposés tous les jours par l'ENTV. De prime abord, il y a donc quelque part " tromperie sur la marchandise ", comme disent les juristes. Pourquoi s'évertue-t-on à faire croire aux téléspectateurs qu'on leur propose trois chaînes différentes dans leur contenu sur une tranche horaire de grande écoute, alors qu'en réalité ce ne sont que trois " duplicata" de l'" Unique". On ne sait si dans telles conditions, les annonceurs trouvent leurs comptes ? Par contre cela ne fait pas l'ombre d'un doute pour ce qui est des " boîtes " privées de production de ces " ramadhaniates ". De toutes les manières et pour l'heure, les conditions de financement des productions, de leur acquisition et de leur retransmission souffrent d'un manque de transparence évident, on peut que supposer ce qui semble encore plus évident pour certains quand il s'agit de " gros sous ". Cette manne providentielle qui se déverse sur la télévision publique profite avant tout à ces boîtes privées et aurait dû, logiquement, se traduire par la diversification de la production télévisuelle. Aussi bien dans le genre qui reste dominé par les " sitcoms " et les sketchs " chorba " que par la qualité de ce que l'on propose au téléspectateur algérien. Une situation qui arrangerait des intérêts précis. La richesse des programmes diffusés par trois " canaux " de l'ENTV aurait dû prendre son sens véritable. Comme on peut le voir partout ailleurs où il existe encore des chaînes publiques de télévision, confrontées au lancinant problème de financement de leurs programmes. Malheureusement, ici et actuellement, ce n'est malheureusement pas le cas. On comprend aisément pourquoi ces mêmes intérêts ne sont pas du tout favorables à l'apparition de télévisions privées. Une éventualité qui mettrait très certainement fin aux débouchés garantis à ces produits télévisuels que sont les chaînes publiques ! Faut-il pour autant accepter que la qualité de la production télévisuelle nationale soit tirée vers le bas, vers la banalité, sous prétexte que c'est ce que réclame le public ? Certes, on doit tenir compte des " goûts " des téléspectateurs. De là, à ne lui " offrir " que des lieux communs, du " réchauffé ", comme on dit couramment, c'est aller trop vite et trop facilement en besogne. Trois chaînes publiques pour promouvoir la " bêtise " c'est plus que trop, y compris sur une période comme le Ramadhan plus propice à la fainéantise, à la paresse intellectuelle.