Plus que les téléspectateurs qui ne savent plus ou donner de la tête avec la dispersion totale du programme spécial Ramadhan qui a été « personnalisé », cette année, pour les trois chaînes (ENTV, Canal Algérie, A3) les plus suivies durant ce mois sacré,c'est plutôt le service commercial de l'entreprise ENTV qui semble pour l'heure tirer le mieux son épingle du jeu devant l'énorme manne publicitaire qui s'est déversée sur le petit écran. Jamais peut-être à période identique les Algériens n'ont été bombardés de spots publicitaires comme cette fois-ci, au point de rendre le contenu du programme presque secondaire par rapport au déferlement continu de la pub qui tourne autour pratiquement des mêmes gros annonceurs. Ouvrir de façon aussi généreuse et en prime-time les espaces publicitaires à ces derniers n'est pas en soi une dérive commerciale, la télévision nationale a le droit de vendre comme elle l'entend ses produits, mais engranger autant de pub dans un laps de temps aussi réduit a certainement pour effet de déséquilibrer la structure générale du programme qui donne au final l'impression d'être « noyé » au lieu d'être « habillé » par la réclame. Cela dit, il faut bien comprendre que les deux heures qui interviennent après le f'tour sont pour les annonceurs des moments privilégiés pour leur stratégie de communication, sachant ques ces plages horaires correspondent au taux d'audience le plus élevé assuré par des millions de consommateurs d'images dociles parce qu'encore léthargiques mais heureux d'être scotchés à la télé. Que reste-t-il donc après la pub ? Un programme bien sûr qui ressemble, en matière de divertissement, aux précédents avec ses feuilletons socio-dramatiques et historiques, ses sitcoms, ses séries humoristiques, ses émissions artististiques, culturelles, culinaires, etc. et ayant, selon les concepteurs de la grille de Ramadhan, la même devise : « satisfaire tous les goûts », avec cette conviction que les téléspectateurs, grands et petits, trouveront un plaisir non dissimulé à renouer très chaleureusement le contact avec la télévision nationale après l'avoir boudée onze mois durant. La nouveauté, cependant, cette année, c'est de voir chaque chaîne des cinq que compte désormais l'ENTV avoir son propre cocktail d'émissions, autrement dit un programme spécifique qui sûrement a été pensé pour fidéliser le public avec sa station préférée, un peu comme le font nos voisins qui ont adopté ce choix depuis quelque temps déjà. Une telle option peut signifier que la production télévisuelle a été tellement prolifique et riche qu'il a fallu la répartir équitablement sur les différentes chaînes pour caser tout le programme. Elle peut aussi laisser croire que l'Unique s'est aujourd'hui dotée de suffisamment de moyens de production pour permettre à ses stations de voler de leurs propres ailes et donc à faire en sorte de trouver le bon tempo pour attirer le téléspectateur. Finie donc la politique du monopole du patrimoine unique qui passait d'une chaîne à une autre pour meubler péniblement les heures de programmation, et bonjour à la concurrence et à l'émulation par l'inévitable zapping, en espérant que ce processus ne se limite pas au seul mois de Ramadhan. Mais si la démarche est louable et entre dans la logique de l'indispensable autonomie de fonctionnement des télés sous tutelle, comme c'est le cas de Canal Algérie ou A3, il reste que le fait d'avoir dispatché en plusieurs tranches le programme a été accueilli avec beaucoup de circonspection par les téléspectateurs qui ont du mal à suivre toutes les nouvelles réalisations de ce Ramadhan. Trop de bien nuit-il ? C'est un peu le cas dans la mesure où les feuilletons et les sitcoms les plus prisés passent presque en même temps et nous obligent à faire des choix douloureux. De plus, comme la plupart des Algériens sont parabolés, il y a fort à croire que c'est la chaîne terrestre ENTV qui est pénalisée en termes d'audience, alors que semble-t-il c'est elle qui a reçu les meilleures productions. On a donc bousculé les bonnes vieilles habitudes mais sans trop penser aux conséquences... et en misant peut-être un peu trop sur la qualité du contenu du programme qui est loin d'avoir fait l'unanimité. Il y a du bon, du moins bon, et également, il faut le dire carrément, de l'indigest. Si le Souk de Hadj Lakhdar et Djamai Family restent les favoris des Algériens et tiennent le haut du pavé, le feuilleton Bine el Barah ouel youm de Brahim Ameur, tourné à Montréal (...), reste un monumental ratage comparativement à El Kiada (le médaillon) de Baya El Hachemi, Djourouh El Hayat de Amar Tribeche, ou l'excellent Darna Lakdima de Lamine Merbah qui, pour on ne sait quelle raison, est diffusé tardivement dans la soirée alors que sa place est bien dans le prime- time. Le feuilleton « canadien » qui a dû coûter des sommes pharaoniques s'est avéré un bide complet, un navet qui n'a ni queue ni tête et qui en plus est interprété, dans un des rôles principaux, par un comédien dont le comportement dépasse de loin la fiction.Vouloir relater les déchirements des Algériens vivant au Canada est une chose, en faire une vulgaire caricature en est une autre. Lamine Merbah, lui, a su mener son sujet sur l'affairisme et l'arrivisme avec beaucoup de doigté. Il nous ramène à la réalité d'aujourd'hui où ceux qui ont créé le désordre en Algérie ne sont pas près à lâcher prise dans une société qui perd ses repères. Les dégâts causés par l'intégrisme sont subtilement analysés à l'écran et c'est ce qui a valu au feuilleton d'être charcuté, au grand dam de son auteur qui a crié à la censure.