Une quantité de 19 kg de cocaïne pure a été saisie, mercredi dernier, à El Harrach, à Alger, par les services de police, a-t-on appris de source sûre. Une saisie record à laquelle même les enquêteurs ne s'attendaient pas, ont révélé nos interlocuteurs. Trois personnes ont été arrêtées, une à El Harrach et les deux autres à Douaouda, wilaya de Tipaza, dans le cadre de cette affaire. Les premiers éléments de l'enquête, ont précisé nos sources, indiquent que cette drogue dure, venue de Colombie, a été acheminée vers l'Algérie par voie maritime, sans pour autant savoir dans quelles circonstances. Ce qui est certain pour l'instant, c'est qu'elle est destinée à la consommation interne, puisque une partie a déjà été mise sur le marché, soit mélangée avec d'autres produits, soit à l'état pur. Ce qui laisse croire à l'existence d'une hausse de la consommation de cette drogue, limitée jusque-là à la catégorie des plus riches parmi la population, vu son prix : entre 12 000 et 15 000 DA le gramme. En effet, les statistiques des services de la gendarmerie, des douanes et de la police montrent une hausse inquiétante du trafic des drogues dures, comme l'héroïne, l'opium et la cocaïne, et ce, même si ces quantités restent minimes par rapport à celles saisies dans d'autres pays. Ainsi, en 2005, les services de lutte ont saisi 66,55 g de cocaïne, 88,73 g d'héroïne et 480 g d'opium. Durant le premier semestre 2006, 44 g de cocaïne, 15,2 g d'héroïne et 12,2 g d'opium ont été également saisis. Mais la plus grande quantité de cocaïne qui a été saisie, c'est celle de juillet dernier entre Annaba et Tébessa, estimée à près de 8 kg de cocaïne. Les narcotrafiquants, dont la connexion avec la criminalité transnationale organisée est approuvée, ne cessent d'évoluer en adoptant de nouveaux modes opératoires. Aujourd'hui, dotés de moyens sophistiqués pour contourner les mailles des services de la lutte contre le fléau de la drogue, ils recourent à l'utilisation des voies maritimes et des grandes étendues désertiques pour le transport de quantités de plus en plus importantes. Mieux, certains d'entre eux ont préféré cultiver sur place ces drogues notamment dans les régions du Sud, mais également le nord du pays dans les Hauts-Plateaux, à Béjaïa et à Tizi Ouzou. Ces découvertes ont été perçues comme un indicateur alarmant, même si le pays n'est pas en face d'une industrie de la drogue avec des laboratoires sophistiqués de traitement. Ce qui a poussé les spécialistes à interpeller les pouvoirs publics sur l'urgence d'un plan de lutte contre toutes les formes de toxicomanie. L'absence de prise en charge du phénomène des drogues douces, cannabis et kif, a eu des conséquences dramatiques, notamment dans les milieux juvéniles. Voisine du plus grand producteur de cannabis, à savoir le Maroc avec ses 130 000 ha, l'Algérie est rapidement passée d'un pays de transit à celui de consommation, et les quantités saisies d'année en année sont à chaque fois plus importantes. De 6 t saisies en 1992, on est passé à 12 en 2005. Au premier trimestre 2007, les services de sécurité ont saisi 5,8 t de résine de cannabis, 1025 plants de cannabis et plus de 25 000 comprimés de substances psychotropes de différentes marques. Ces quantités correspondent à celles récupérées durant la même période de 2006, alors qu'au quatrième trimestre 2006, 6 t de résine de cannabis, 180 plants de cannabis et 58 000 comprimés de substances psychotropes ont été saisis. Les statistiques montrent que la population la plus exposée à la toxicomanie reste la tranche de jeunes âgés entre 18 et 35 ans, qui représente 84% des consommateurs. Les psychotropes, très faciles à se procurer et moins chers que les autres drogues, ont eux fait des ravages dans les rangs de la jeunesse. Les saisies opérées montrent l'ampleur de ce fléau. Ainsi, la quantité saisie en 2006 a augmenté de 87% par rapport à 2005, passant de 227 000 comprimés saisis à plus de 426 000, avec un taux important à l'Est et qui représente 78% des quantités saisies au niveau national, alors que pour le cannabis, le taux le plus important est à mettre sur le crédit de l'Ouest et le Sud avec respectivement 47% et 38%, alors que celui relatif à l'Est ne représente finalement que 6%. Selon les chiffres rendus publics récemment par l'Office national de lutte contre la drogue et les toxicomanies, 2000 jeunes suivent actuellement une thérapie dans des structures spécialisées à Blida et à Oran et 3500 toxicomanes sont pris en charge en dehors des établissements. De 1992 à 2002, ils étaient 20 000 toxicomanes à avoir bénéficié d'un traitement à Blida et à Oran. Une goutte d'eau dans un océan, quand on sait le nombre de toxicomanes qui souffrent dans le silence loin des structures de l'Etat. C'est là toute la problématique de la prolifération de la drogue qui doit être une préoccupation majeure des pouvoirs publics, mais également de la société dans toutes ses composantes, à commencer par la famille et l'école. Aujourd'hui, même les établissements scolaires n'ont pas été épargnés dans la mesure où des enquêtes ont montré qu'un élève sur trois a fumé du hachisch ne serait-ce qu'une seule fois. La saisie des 19 kg de cocaïne à El Harrach est révélatrice d'un grand danger qui menace un large pan de la société.