Comme chaque année, à l'approche de l'Aïd, c'est le grand rush vers les magasins de prêt-à-porter. Dans tous les quartiers de la capitale, des foules immenses jouent des coudes pour se frayer un chemin dans les rues bondées. Le marché d'El Biar ne déroge pas à la règle. La petite cour qui se trouve derrière le marché des fruits et légumes est envahie d'étals recouverts de jeans (1200 DA), pulls (500 DA), doudounes (3500 DA), gilets (1000 DA), chaussettes (50 DA), chaussures (1700 DA)... La marée humaine est telle qu'on pourrait jeter une épingle et être sûr qu'elle n'atteindra guère le sol. Ici les prix sont jugés raisonnables par les chalands. « Je viens d'acheter une belle doudoune, longue et chaude à ma fille de 14 ans, nous dit cette dame. Elle m'a coûté 3500 DA, un prix que je juge plus qu'intéressant, surtout que j'ai vu la même en vitrine avec le double de ce prix-là ! » Le bazar du marché Ali Mellah (place du 1er Mai) ne désemplit pas quelle que soit l'heure de la journée et même de la nuit (sahra). Des vagues successives et compactes de chalands s'y bousculent, créant une effervescence et un tohu-bohu indescriptibles. Ici, les fringues sont essentiellement importées de France, de Turquie ou de Dubaï. Ce qui explique peut-être leurs prix élevés. A titre d'exemple, un jean pour femme est vendu 2400 DA, une jupe 2800 DA, des chaussures 2700 DA... Les tenues pour enfants ne sont pas données non plus, et certainement pas à la portée des petites bourses. Un petit ensemble pour fillette coûte 3500 DA, une robe 2900 DA, un pantalon 1900 DA, un pull 2200 DA, des chaussures 2500 DA un blouson 3400 DA. De nombreux clients sont restés perplexes devant les prix affichés. Certains ont carrément préféré tourner les talons. C'est le cas de cette quadragénaire flanquée de ses deux chérubins qui, après avoir fait le tour du bazar, a préféré « mettre le cap » sur une destination plus clémente. « Il me faudrait au moins 3 millions pour parvenir à habiller mes gosses ici... Tans pis pour les fringues d'importation, je vais aller faire un tour du côté de la production locale... Déjà que le Ramadhan nous a ruinés, c'est pas le moment de faire la fine bouche », nous dit-elle. Aux alentours du marché Meissonier (Boussaâd Abdiche), les vendeurs à la sauvette ont déjà dressé leurs comptoirs remplis de stocks de vêtements qu'ils n'auront aucun mal à écouler. Là aussi, les clients se bousculent pour repartir avec un ou plusieurs sachets à la main : jean 1000 DA, pull pour femmes 1200 DA, jogging 1400 DA, chaussures 1000 DA. Beaucoup de gens achètent aussi des robes d'intérieur, des pantoufles ou du parfum à offrir comme le veut la tradition le jour de l'Aïd à leur mère ou belle-mère (c'est selon). A noter que dans la plupart des magasins de prêt-à-porter les vendeurs sont tellement débordés et submergés par les clients qu'ils préfèrent les laisser entrer par petites « fournées ». C'est vrai que beaucoup de parents auraient préféré acheter des fringues à leurs enfants bien à l'avance et éviter cette course effrénée contre la montre, avec tous les désagréments que cela implique. Seulement voilà, il faut savoir qu'il n'y avait alors que les vêtements d'été en vente. Les fringues d'hiver ne sont disponibles que depuis trois semaines environ. Et puis, ce n'est un secret pour personne : les commerçants véreux stockent les vêtements et attendent le moment propice, c'est-à-dire, quelques jours avant l'Aïd, gonflant les prix au maximum et portant le coup de grâce aux chefs de famille, déjà déplumés par un mois de Ramadhan très coûteux. Mais ça, c'est une autre histoire !