Les paras français dynamitent la cache de Hassiba Ben Bouali, Ali La Pointe, le petit Omar et Mahmoud Bouhamidi. Le terrorisme à Alger a perdu, mardi à l'aube, ses derniers animateurs. Les cadavres d'Ali La Pointe et de sa compagne Hassiba Ben Bouali ont été retirés hier des décombres de la casbah » titrait L'écho d'Alger du 9 octobre 1957. Le Journal d'Alger du vendredi 11 octobre 1957 est encore plus lugubre et annonce « Ali La Pointe et Hassiba Ben Bouali découverts déchiquetés par l'explosion ». En même temps, un encadré informe que 232 arrestations ont eu lieu après un bouclage surprise à Miliana et Affreville, que 15 rebelles étaient tués dans le Dahra de Paul Robert par un commando héliporté et que le mauvais temps continuait de sévir dans l'algérois provoquant un éboulement sur la route du Ravin de la femme sauvage faisant 3 blessés et 20 millions de dégâts au centre d'El Riath. D'ailleurs, pour parer à une épidémie de grippe, Le Journal d'Alger annonçait l'augmentation des pharmacies de garde. Hormis un climat capricieux et des arrestations arbitraires en tout genre, sans que personne ne soit en mesure de connaître le destin des 232 hommes de Miliana, l'atmosphère à la Casbah était lourde et la bataille qui faisait rage depuis plusieurs mois connaissait ses derniers soubresauts. Après la grève des huit jours, qui avait mis le moral des troupes au plus bas et provoqué une sorte de léthargie au sein de la population algérienne, la Zone autonome d'Alger réfléchissait à la stratégie à adopter pour contrer les colons, acquérir l'indépendance et faire de l'Algérie un pays souverain. tandis qu'après des attentats à la bombe perpétrés dans la capitale, les événements se précipitent dès le mois d'août 1957 suite à « l'arrestation de 22 responsables collaborateurs de Yacef Saâdi ». L'Echo d'Alger s'enorgueillira d'annoncer la neutralisation à 75% de l'organisation politico-administrative du FLN à Alger. Il ne restait plus que deux mois à vivre pour Ali La Pointe, Hassiba ben Bouali, le Petit Omar et Mahmoud Bouhamidi, mais ils ne le savaient pas. Arriva l'arrestation du chef de la Zone autonome d'Alger, Yacef Saâdi, repéré au 3, rue Caton, suite à une délation à La casbah. En compagnie de Zohra Drif, ils tiendront tête aux forces coloniales durant plusieurs heures avant de se rendre. La casbah est encerclée, quadrillée et durant la prise d'assaut du 3, rue Caton par une horde de paras armés jusqu'aux dents, Hassiba Ben Bouali et Ali La pointe sont dans une cache, juste en face : au 4, rue Caton. « Nous savions qu'ils étaient dans la maison en face et il ne leur restait plus qu'à trouver une autre cache. Les instructions étaient claires dans le cas où quelqu'un était pris : il devait gagner du temps pour laisser aux autres la possibilité de changer de cache et établir un plan », explique Zohra Drif. Sauf qu'à l'époque, les principaux acteurs de la bataille d'Alger ne savaient pas qu'il y avait une taupe parmi eux. Celle-là même qui a conduit à l'arrestation de Yacef Saâdi et de Zohra Drif. Celle-là même qui a conduit à la mort de Ali La Pointe, Hassiba Ben Bouali, Mahmoud Bouhamidi et du petit Omar, explique Yacef Saâdi dans son livre La Bataille d'Alger. 50 ans plus tard Changement climatique oblige, le mois d'octobre 2007 est chaud. L'épidémie de grippe qui sévissait en septembre 1957 n'est plus qu'un ombrageux souvenir que les témoins survivants ont presque oublié. Cinquante ans plus tard, la Casbah n'a pas perdu ses dédales sinueux, ses incontournables marches et ses senteurs épicées. Les innombrables détritus qui l'encombrent cependant à l'aube du nouveau millénaire témoignent d'un bouleversement des habitudes et traduit un sentiment d'abandon. La rue des abderames s'ouvre sur un chemin aux airs d'impasse, comme fermé par une bâtisse d'une étrange blancheur. Une porte massive et rustique aux arrondis mauresques bloque l'entrée du bâtiment 5. Quelques meurtrières laissent filtrer le regard sur un espace intérieur astiqué. Des poutres de bois et des rondins sont apparents et renseignent sur l'aménagement des lieux. Une plaque commémorative en marbre blanc souligne les événements qui ont secoué cette partie de la casbah, voilà 50 ans. Dans un silence quasi mortuaire, des youyous fusent soudain. Une famille passe la rue pour rentrer dans ce qui doit être le premier de la rue des abderames. Une naissance ? Une circoncision ? La fête bat son plein en cette étrange journée d'octobre 2007, comme pour rappeler que la vie suit son cours. Accompagné de Dali Hamid, l'un des derniers combattants vivants ayant connu le petit Omar, les souvenirs semblent s'imposer malgré la blancheur de la bâtisse numéro 5 et la façade branlante du 3 qui n'a pas été restaurée depuis l'explosion. C'était la maison de Yacef Saâdi. Les rues de la casbah semblent s'animer à nouveau, tandis qu'un passant questionne Dali sur sa présence sur les lieux. « Ah mais oui, je vois qui tu es. Moi je suis le cousin du petit Omar. Allah yarahmou. » Des regards s'échangent entre les deux sexagénaires qui ont vu défiler tant d'événements depuis la bataille d'Alger. Des noms reviennent, des souvenirs, des sourires et des mains qui se soutiennent comme pour échanger des émotions connues par eux seuls.