C'est moi qui ai envoyé cette somme d'argent, on m'a demandé de le faire. C'était pour payer les honoraires des avocats de frères arrêtés en France. Paris. De notre bureau Cet argent a été envoyé à M. Ben Abbas. Il n'a été utilisé ni dans les explosifs ni dans le terrorisme », a reconnu hier matin Rachid Ramda, interrogé par le président de la Cour d'assises de Paris, Didier Wacogne, devant laquelle il comparaît depuis le 1er octobre pour complicité d'assassinat et de tentative d'assassinat dans les attentats de Paris de 1995 revendiqués par le GIA. Abderrahmane Ben Abbas est une identité utilisée, avec d'autres alias, par Boualem Bensaïd, déjà condamné pour sa participation à ces attentats. L'empreinte digitale de Ramda a été retrouvée en novembre 1995 par la police britannique sur un bordereau de virement Western Union de 5000 livres sterling (38 000 FF de l'époque), envoyé à Boualem Bensaïd. Selon l'accusation, Rachid Ramda, installé à Londres, était « le maître d'œuvre » d'une « centrale d'information » et d'une « structure de financement du GIA », qui a revendiqué les attentats. Il a été « l'interlocuteur privilégié » de l'émir du GIA, Djamel Zitouni, ainsi que son « agent principal de propagande » en Europe. Il lui est reproché l'organisation et le financement des attentats commis en 1995 dans le métro et le RER parisiens, qui ont fait huit morts et 200 blessés. « C'est un frère qui m'a remis cette somme pour que je la transfère. Cela s'est fait suite à la campagne d'interpellations de jeunes musulmans qui a eu lieu en France. Cet argent provient de collectes par des frères dans les mosquées », répond Ramda. Le président : « Pourquoi ne l'a-t-il pas fait lui-même ? » Ramda : « Je ne lui ai pas posé cette question ». Le président : « Pourquoi ne pas avoir dit cela à M. Smith (l'enquêteur britannique qui l'avait interrogé à la suite de son interpellation le 4 novembre 1995, ndlr) quand il vous a traité de menteur ? » Ramda : « La question n'intéressait pas M. Smith, il n'a pas été clair avec moi depuis le début ». Le président : « Est-ce que vous avez déjà reconnu ce versement auparavant auprès d'une autorité quelconque ? » Rachid Ramda : « C'est la première fois ». Le président : « C'est la première fois que vous dites officiellement que c'est vous qui avez effectué le transfert d'argent du 16 octobre 1995 depuis la Western Union Bank à Londres. Quel effet ça vous fait de le dire aujourd'hui ? ça vous dégage au niveau de la conscience ? C'est quelque chose qui libère ? » L'accusé : « J'ai fait 10 ans de détention pour ce transfert et je suis jugé pour les mêmes faits. Je serai heureux qu'au cours de ce débat mon rôle soit fixé, car sur ce transfert d'argent on a construit beaucoup d'hypothèses ». C'est au tour de l'avocat général d'interroger l'accusé : « Puisque vous reconnaissez être l'homme qui était surveillé le 16 octobre 1995, reconnaissez-vous que vous aviez un téléphone portable ? » Ramda : « J'avais le téléphone de la personne qui m'avait demandé de faire le transfert des 5000 livres. Je n'avais pas de portable personnel » (le gérant du supermarché où se trouvait la Western Union Bank avait dit à la police britannique avoir vu Ramda parler d'un portable dans une langue étrangère et qu'il avait été ensuite appelé sur ce même téléphone). L'avocat général : « Pourquoi n'aviez-vous pas voulu répondre aux enquêteurs français ? ». Ramda : « J'ai demandé que les questions des Français soient remises aux enquêteurs anglais, je n'ai pas de problèmes avec les Français, mais c'est aux Anglais que j'avais affaire. J'ai refusé les auditions directes, pas les questions ». L'avocat général : « Vous venez de nous dire que les Anglais n'étaient pas clairs dans leurs questions et vous vouliez que les questions des Français soient posées par eux ? » Le président : « Pourquoi n'avez-vous rien dit au juge Bruguières sur le transfert des 5000 livres ? » Ramda : « Je réservais ma réponse à la cour, j'ai dit à M. Bruguières que je n'avais pas le dossier d'instruction et que je m'exprimerai devant la cour ». Le président lui demande en quoi le dossier lui aurait été utile pour répondre à cette question, et l'accusé de répondre : « La question fait partie de l'ensemble. »