Abdelwahab Réda, ancien chargé de la sécurité de Abdelmoumen, a surpris l'assistance par les informations troublantes qu'il a révélées hier au procès Khalifa, qui entame sa deuxième semaine au tribunal criminel de Blida. Ancien commandant de l'ANP et ex-aide de camp d'un conseiller d'un ministre de la Défense et de la Présidence, il a rejoint le groupe Khalifa en octobre 2001, grâce à Abdelmoumen qu'il connaissait. Il est nommé chargé de la sécurité, détaché au domicile de Moumen, situé au chemin Mackley, à Hydra. Sa mission est de s'occuper de toute « la logistique » de la villa, notamment lorsque l'épouse Khalifa est absente. « Je viens le matin à 7h30. Je rentre par la cuisine et j'attends jusqu'à ce qu'il se réveille pour discuter et aller chercher ses parents. Je lui ramène l'argent. Je surveille le nettoyage de la villa, assuré par 2 femmes de ménage et un jardinier. » La juge ne comprend pas le travail exact de Réda. « J'assure toutes les tâches de la maison et la sécurité de son arme de poing, pour un salaire de 150 000 DA. » La magistrate lui demande de donner les détails sur les sommes d'argent qu'il ramenait de la caisse à Moumen. « Moumen m'avait appelé et dit d'aller voir Akli Youcef pour récupérer une commission. C'était en 2001, après les inondations de BEO. C'était une enveloppe. Je l'ai remise à Moumen dans sa villa. Elle contenait 200 000 DA. Il les a tirés pour payer le personnel, les deux femmes de ménage, le jardinier et le chauffeur. A cette époque, il n'y avait pas de fiche de paie. La seconde fois c'était à la veille de notre départ au Mali, où se déroulait la Coupe d'Afrique. Il m'a demandé d'aller récupérer chez Akli Youcef une commission. C'était toujours une enveloppe. Quand je lui ai remis celle-ci, il l'a ouverte et j'ai vu qu'elle contenait 10 000 USD. » Cet argent, révèle l'accusé, a servi pour payer le droit d'atterrissage et le stationnement de l'avion à Bamako. La juge lui demande avec quel avion Moumen est parti. L'accusé : « Khalifa Airways. Son jet, il l'a utilisé pour son voyage aux USA ou à Paris. » Il révèle avoir également été chargé par Abdelmoumen de lui ramener une autre enveloppe, toujours de la caisse principale, contenant 30 000 euros, à la veille de son voyage aux USA en 2002. L'accusé, serein, déclare avoir voyagé trois fois avec son PDG, aux côtés de Salim Bouabdellah, Chafik Bourkaïb, Hassen Echemaâ, frère de Ragheb Echemaâ et Krim Smaïl. La dernière demande d'argent a été faite par Moumen en février 2003. « Moumen m'avait appelé par téléphone, il était soit à Paris, soit à Londres, pour me dire d'aller récupérer le montant de 5 millions de dinars de chez Akli, le jour-même, mais ce dernier était absent. Le lendemain, j'ai été et Akli a refusé de me remettre la somme, en me disant que c'était impossible. Moumen m'avait rappelé et lorsque je lui avais dit cela, il m'a traité de traître. J'ai été très touché, il m'avait raccroché au nez. L'administrateur est venu après et Moumen, qui m'assurait à chaque fois qu'il allait rentrer, n'est pas revenu. » La magistrate : « Où devais-u prendre cet argent ? » L'accusé : « Il m'avait demandé de le ramener à la maison. » La juge tente de savoir pourquoi Moumen, auquel il ne refusait aucun ordre, l'a traité ainsi. « C'était une succession d'événements. D'abord en juillet 2002, il était à Cannes. Quand il est rentré, il m'a montré une photo numérique d'une belle résidence. Je lui ai dit qu'elle était belle. Quelques jours après il m'a dit qu'il l'a achetée. Je lui ai lancé : “C'est de la folie” Il s'est retourné pour me dire : “Alors tu n'y mettras jamais les pieds.” » Me Meziane, avocat d'El Khalifa Bank en liquidation, l'interroge sur Ragheb Echemaâ. « Il était le premier conseiller de Moumen et son homme de confiance. » L'avocat lui demande plus de détails. « C'est un homme d'affaires. Il est introduit dans le monde du business européen, américain et au Moyen-Orient. Il introduit Moumen et prend des commissions. Ils établissent des factures sous le nom de sa société en France qui s'appelle Euromed. C'est lui qui lui a ramené l'opération d'achat de la société allemande de construction. » L'avocat : « Est-ce qu'il peut parler au nom de Moumen ? » L'accusé : « A l'étranger, oui, mais pas en Algérie. Il a présenté Moumen à deux reprises au président libanais Amine Lahoud, aux émirs saoudiens, au monde des affaires américain. Toute l'évolution du groupe à l'étranger a été rendu possible grâce à ses offices. » Elle l'interroge sur les invités. « Il y avait toutes les personnalités du show biz français. Il y avait aussi Smaïl Krim, Salim Bouabdellah, Djazourli, Chachoua Hafid, Djamel Guellimi, Rachid Amrouche… » La juge lui présente des photos de la soirée et lui demande d'identifier quelques personnages. L'accusé note que Ragheb a fait de l'effet sur Moumen. Il l'a introduit aux USA, en France, au Liban, en Arabie Saoudite et aux Emirats. La présidente l'interroge sur la soirée cannoise. Réda Abdelwahab affirme n'avoir pas assisté. Mais il dit avoir été convié à celle de Paris, à laquelle Ragheb Chemaâ était présent. Revenant sur les montants qu'il a remis à Moumen, il indique ne pas savoir qu'il s'agissait de l'argent de la caisse. « J'avais une relation de confiance avec mon PDG. Pour moi, c'était son argent personnel. » Elle revient sur les évènements qui ont « fâché » Moumen. « Oui, après qu'il ait acheté les trois villas et que j'ai fait la réflexion qui l'a fâchée, il ne m'a plus permis de voyager avec lui. Mais il y avait un voyage aux USA, il m'a bloqué une demi-journée à New York, pour un fax. Quand je l'ai reçu, c'était un achat d'un avion privé Boeing Business Jet. Je lui ai dit qu'il n'était pas fait pour les hommes d'affaires. Mais pour les chefs d'Etat parce qu'il est grand. Il m'a dit en colère, tu ne comprends rien ». Il explique à la présidente que la somme de 5 millions de dinars devait servir au paiement de la location de la deuxième villa qu'il avait à Mackley. Il révèle qu'à Paris, Moumen avait un grand appartement au 7e arrondissement, sous la Tour Eiffel, et qu'il a su par la suite qu'il avait acheté un autre situé en dessous. A la fin, Abdewahab Dallal explique avoir été envoyé par Moumen en février 2002, à l'occasion de l'Aïd pour récupérer une somme de 1,5 million de dinars qu'il a distribuée comme « sadaka » (offrande) au personnel de sa villa et de celle de sa mère. Les auditions reprennent aujourd'hui.