Depuis quelques semaines, la polémique enfle dans les Antilles françaises autour des dommages collatéraux causés à l'homme suite à l'utilisation abusive, dans l'agriculture, de certains pesticides reconnus « coupables », sur la foi d'enquêtes réalisées sur le terrain, de l'apparition de certains cancers, dont celui du colon. Sur ce point, les médias français n'ont pas manqué de faire monter la mayonnaise en pointant du doigt toutes les failles du système. De tels dommages pourraient-ils survenir chez nous, d'autant que certaines sources susurrent que certains opérateurs économiques, investissant sur le sol algérien, seraient peu scrupuleux et peu regardants sur la qualité des produits qu'ils importent ? Est-ce un mal nécessaire ? Y a-t-il risque pour la santé publique ? Prié de donner son point de vue éclairé sur ces interrogations, Belkacem Benbouzid, ingénieur à la direction de l'environnement de la wilaya de Constantine, y répond sans détours, ni faux-fuyants, ceci : « En effet, malgré les multiples services rendus à l'humanité, les pesticides, utilisés de façon anarchique et répétée sur de grandes surfaces, se sont révélés, dans le temps, extrêmement nocifs pour la santé publique. Selon les conclusions de 150 études, réalisées dans 61 pays sur la concentration des pesticides dans le corps humain en cas d'atteinte, on retrouve ces produits chimiques dans les tissus adipeux, le cerveau, le sang, le foie, le placenta et même dans le lait maternel. Ce qui démontre que l'homme est toujours le premier à payer directement le tribut d'actions commises par ignorance ou par intérêts sordides, quand les pesticides sont hors normes ou périmés. A ce sujet, une étude de l'office mondial de la santé mentionne que les pesticides seraient responsables du décès de 20 000 personnes environ chaque année. Actuellement, 25 groupes de pesticides, dont la plupart sont utilisés en Algérie, ont été déclarés substances cancérigènes, et de ce point de vue la vigilance et le contrôle systématique au niveau des frontières doit être une préoccupation majeure pour les pouvoirs publics, qui ont mis en place un arsenal législatif et règlementaire de nature à baliser le terrain ». Néanmoins, ajoute-t-il, les capacités d'analyse de ces produits chimiques sont jugées nettement insuffisantes en raison d'un manque d'équipements visant à l'analyse, le contrôle et le suivi de la gestion de ces produits. En outre, d'après notre interlocuteur, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de normes nationales fixant les limites maximales de résidus de pesticides, ni les doses journalières admissibles dans les aliments, et dans ce canevas, l'Algérie serait loin d'être parmi les meilleurs élèves. Loin s'en faut. Elle serait même classée, d'après notre interlocuteur, parmi les pays d'Afrique les plus en retard en matière de normalisation de l'utilisation des pesticides. Belkacem Benbouzid tient également à tirer la sonnette d'alerte au sujet des gros risques liés à l'abandon d'emballages de pesticides sur site, ou leur vente sur les marchés pour le stockage de produits, et notamment de denrées alimentaires. Une pratique formellement interdite au regard de la loi 01/19 du 12/12/2001 relative à la gestion, au contrôle et à l'élimination des déchets. Même en cas de nettoyages répétés, tient à préciser ce spécialiste de l'environnement, les parois internes des emballages continuent de libérer des résidus pouvant infecter tout contenu, et avoir ainsi des effets dévastateurs en cas de consommation des produits stockés.