Depuis quelques années, le ministère de la Formation et de l'Enseignement professionnels s'active à redorer le blason d'un secteur terni par un ostracisme purement idéologique. La dévalorisation du travail manuel étant une spécificité de l'élitisme bourgeois depuis la nuit des temps — surtout en France voilà les Algériens mimer des comportements disparus là où ils étaient en vogue. Depuis plus de deux décennies, la tendance mondiale s'inscrit dans une double logique qualitative : Hisser la totalité d'une classe d'âge jusqu'à la fin des études secondaires (pas seulement dans l'enseignement général), le Smig scolaire en quelque sorte. Dans la foulée, exiger la licence universitaire pour tout postulant au poste d'enseignant. Le but est évident : s'adapter au rythme de la modernisation de la vie sociale. A quelques exceptions près, pas un seul pays développé n'a idée de doter ses élèves d'un niveau moindre que celui de la fin des études secondaires. L'enseignement professionnel y a droit de cité avec le même statut que l'enseignement général. Dans ces pays, dès le primaire, la pédagogie vise à outiller l'élève de toutes les compétences pour réussir son cursus scolaire, c'est-à-dire jusqu'aux portes de l'enseignement supérieur. Ce dernier palier reçoit en toute logique les lauréats de l'enseignement professionnel, sans discrimination aucune. Pour ne prendre que l'exemple de la Corée du Sud, les élèves de fin de collège ont droit à deux types d'orientation vers le secondaire : la voie de l'enseignement général et la voie de l'enseignement professionnel. Un maçon ou un plombier n'est plus cet analphabète ou ce recalé du cycle scolaire. Il n'émarge pas au registre de la déperdition scolaire. Elle n'existe pas puisque plus de 95% d'une classe d'âge arrivent au terme du secondaire. La Finlande est un pays envié pour son excellence scolaire. La déperdition y est inexistante, les collégiens ont le choix entre la voie de l'enseignement général et celle de l'enseignement professionnel. Dans ce dernier segment du système, s'y orientent de brillants élèves. Par choix, par vocation, par prédisposition quasi naturelle. Non par échec comme c'est le cas chez nous. Il faut dire que dans ce pays, les métiers manuels ne sont pas dévalorisés. Tout au long de leur scolarité de base ils l'appellent école fondamentale (eh ! oui) ils ont côtoyé et pratiqué des spécialités que nos « bien pensants » prennent pour dévalorisantes : cuisine, menuiserie… Les portes de l'enseignement supérieur ne leur sont pas fermées pour autant. Idem pour la Belgique. Un choix personnel peut amener le collégien ou la collégienne à embrasser une filière professionnelle plombier par exemple sans qu'il ait peur de ne pas continuer à s'améliorer dans la voie choisie, BTS et plus. En France, pour citer ce modèle chéri de nos « stratèges », il existe une université des métiers et un diplôme inédit : le MOF (meilleur ouvrier de France). Ce dernier est reconnu par l'Etat français comme l'équivalent d'un bac + 2. Ses titulaires appartiennent à l'un des 200 métiers qui justement relèvent du professionnel : cuisinier, pâtissier, ébéniste, plâtrier…Comme quoi il n'y a pas de (sot) métier inéligible à une formation supérieure. L'essentiel étant d'avoir le profil requis par la filière. Si un jeune devient plombier, c'est parce que sa vocation et ses penchants l'y ont poussé. La vocation, le choix de l'orientation désirée sont deux critères de la réussite personnelle. L'éducation sociale bien comprise n'a-t-elle pas pour finalité de former un individu épanoui grâce au choix assumé du métier ? C'est la société dans son entier qui gagne au change par la promotion de ce type d'orientation. Pourquoi vouloir fermer à ce jeune les portes d'une qualification supérieure future ? N'est-ce pas là l'esprit élitiste et ségrégationniste de funeste mémoire ? Celui prôné et pratiqué jusqu'à l'usure par les mandarins de l'université française d'avant Mai 68. D'ailleurs, cette révolution culturelle qui a fait trembler le pouvoir de l'époque a eu pour objectif premier de mettre fin au règne du mandarinat. La démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur a été arrachée de haute lutte. Quoique des poches de dysfonctionnement persistent encore, le système éducatif français a su redonner à l'enseignement professionnel ses lettres de noblesse. A vouloir imiter le modèle désuet de l'ancienne tutelle coloniale celui d'avant-Mai 68, l'Algérie avancera vers les archaïsmes du passé.