Hubert Védrine, Mouloud Hamrouche et Smaïl Hamdani. Trois hommes politiques aux perceptions différentes du projet de l'union méditerranéenne. Derniers à intervenir avant la clôture de la rencontre-débat d'hier à l'hôtel Sofitel d'Alger, portant sur les enjeux de l'union méditerranéenne, les trois hommes ont différemment apprécié cette initiative. Premier à prendre la parole autour de la dernière table ronde sur les conclusions de la rencontre, animée par Omar Belhouchet, directeur d'El Watan, Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, a mis l'accent sur la nécessité de dépasser la rhétorique et d'aller vers « des choses plutôt concrètes ». Des projets. Il estime que si le processus de Barcelone a échoué, cela n'empêche pas, pour autant, de « rebondir autrement ». Le projet de l'union méditerranéenne, explique-t-il, ne pourrait pas être une « reproduction » de l'Union européenne. Car, précise-t-il, il ne pourrait pas y avoir des institutions communes, un Parlement commun… Mais à ses yeux, il est plutôt facile d'arriver à mettre en place des projets communs. M. Védrine voit ce projet d'union comme un espace de coopération entre les cinq pays du sud de l'Europe et les pays du Maghreb, élargi aux autres pays de la Méditerranée. Autrement dit, il s'agirait d'une coopération directe entre les concernés. Pour lui, la réalisation d'une intégration méditerranéenne n'a rien d'inéluctable ni de nécessaire. L'ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, quant à lui, s'est montré plutôt sceptique par rapport à l'aboutissement de cette initiative qu'il dit soutenir globalement. Le scepticisme de Hamrouche, le réformiste, vient du manque voire de l'absence de démocratie dans les pays de la rive sud de la Méditerranée. Affirmant les natures autoritaires et despotiques des régimes magrébins et arabes, M. Hamrouche estime que les conditions politiques pour la réussite d'un tel projet ne sont pas réunies. A ses yeux, un tel projet reste chimérique tant que les pays du Sud demeurent sous les régimes autoritaires qui refusent les règles élémentaires de l'exercice démocratique. Car, souligne-t-il, contrairement aux régimes européens, ceux-ci « ont bien renoncé à travailler pour l'avenir de leur peuple ». L'Europe, d'après lui, est dans un mouvement, tandis que les pays du Maghreb « subissent les répliques de ce mouvement ». L'intervenant relève un facteur aggravant. La mondialisation, indique-t-il, a créé quelques conditions qui font que l'Europe a besoin de manifester une certaine proximité avec ces pouvoirs despotiques. Une telle situation permet à ces régimes autoritaires de continuer à s'éloigner de leur peuple. Une union méditerranéenne signifie pour lui un avenir commun « respectueux des valeurs et des différences » et qui s'appuie sur des principes « clairement identifiés et partagés ou acceptés ». Or, ce n'est pas le cas. Dans le même sillage, M. Hamrouche pense que le plus difficile est de faire adhérer les Algériens à cette idée, parce qu'ils portent encore la déception du passé. En dépit de ce constat, M. Hamrouche manifeste son soutien à l'idée de la création d'un espace méditerranéen commun, espérant dans le sillage que cela va aider les pays du Sud, dont l'Algérie, à « sortir de la panne ». De son côté, Smaïl Hamdani, également ancien chef de gouvernement, a insisté sur « les valeurs humaines ». A travers son analyse, M. Hamdani explique l'importance d'un respect mutuel des valeurs et des cultures. Tenter d'imposer les valeurs occidentales serait injuste, d'après lui, relevant que les opinions publiques des pays du sud de la Méditerranée restent sensibles notamment à la situation au Moyen-Orient. Il appelle en outre à ce qu'il y ait plus de visibilité dans le projet par rapport aux problèmes politiques et sécuritaires. Pour lui, il faudrait bien redéfinir la notion de sécurité et d'occupation pour dissiper tout amalgame entre notamment la notion de résistance et de terrorisme.