La mondialisation a ouvert aux pays du sud de la Méditerranée d'autres possibilités de coopération avec la Chine et les pays du Golfe. 5 +5 n'égalent pas 32. Mais pour le Cercle des économistes français et pour Hubert Védrine, ancien ministre socialiste des Affaires étrangères, cette addition est juste. Ils s'en expliquent dans un ouvrage de réflexion qui vient de paraître chez les éditions Perrin, intitulé 5+5=32, feuille de route pour une union méditerranéenne. Les auteurs démarrent l'analyse de la mise en place « par la diplomatie française » du cadre informel des 5+5 qui regroupe des pays européens et maghrébins : Portugal, Espagne, France, Italie et Malte, d'une part ; Algérie, Maroc, Libye, Tunisie et Mauritanie, de l'autre. « La philosophie du “5+5” est celle de l'approfondissement : coopérons entre partenaires directement concernés. Ayant démontré l'efficacité de cette coopération, celle-ci s'élargira tout naturellement aux autres pays de la zone. Commençons à travailler à 10 et les 22 autres membres de l'Union européenne se joindront à un élan qui ne leur retire rien et peut apporter quelque chose. L'effet ‘'appel d'air'' a toujours joué, dans l'histoire, de manière positive. “5+5” égale bien 32 », est-il expliqué. Dans cet esprit, il est relevé que le Cercle des économistes, basé à Paris et dirigé par Jean-Hervé Lorenzi, soutient le projet du président français de créer une union méditerranéenne. Ce cercle avait pris part, en 2003, à Tunis, à la rencontre de relance du processus 5+5 (entamé à l'origine en 1990). « Soyons clairs : pour nous, la réalisation d'une intégration euroméditerranéenne n'a rien d'inéluctable ni de nécessaire, et nous tentons ici précisément d'alerter quant au risque qu'une telle opportunité demeure ignorée », est-il noté. Hubert Védrine, qui vient de remettre à Nicolas Sarkozy un rapport sur la France et la mondialisation et de publier Continuer l'Histoire chez les éditions Fayard, s'interroge : « L'intégration économique euroméditerraéenne : un projet commun ? » Il tente d'expliquer le peu d'efficacité des différents projets lancés par l'Union européenne (UE), comme le processus de Barcelone, en 1995, et la Politique européenne de voisinage, en 2003. Selon lui, l'idée d'union méditerranéenne a été surtout portée par les pays du sud de l'Europe. « Les autres Etats-membres de l'Union( ...) ne l'ont jamais considérée comme une priorité », relève-t-il. L'élargissement de l'UE vers l'Est était plus « prioritaire ». « Le Processus de Barcelone a été lancé dans le contexte global et optimiste du processus de paix au Proche-Orient et a subi de plein fouet son arrêt », note-t-il. Une question de « confiance » Il souligne que la mondialisation a ouvert aux pays du sud de la Méditerranée d'autres possibilités de coopération avec, entre autres, la Chine et les pays du Golfe. « Le renchérissement du prix de l'énergie a rendu plusieurs pays du Sud moins demandeurs. Tout cela réduit l'attractivité des propositions européennes, d'autant que ce que propose l'UE est toujours assorti de conditionnalités politiques et économiques », ajoute Hubert Védrine qui estime que l'initiative de Sarkozy est novatrice. Pourquoi ? « Il ne s'agit pas d'une politique européenne de plus au bénéfice des Méditerranéens mais d'une élaboration en commun par les riverains du Nord et du Sud de politique et de projets concrets », explique-t-il. Cette approche rompt, selon lui, avec le caractère quelque peu paternaliste des démarches européennes. De son côté, Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque centrale d'Algérie, se demande si les conditions « d'une confiance réciproque » sont suffisamment réunies entre les deux rives de la Méditerranée pour qu'une association renforcée « puisse véritablement prendre corps ». « Pourquoi, bien qu'il se développe, le Maghreb paraît-il rester à la traîne par rapport aux autres régions émergentes dans le monde d'aujourd'hui ? Et pourquoi cette zone est-elle marquée par une si faible convergence entre ses différents pays, ce qui se traduit par un commerce interzones ridiculement faible », s'interroge-t-il. « Osons une réponse : c'est là d'abord un problème de confiance ! (...) Les Maghrébins n'ont guère confiance dans le Maghreb ! », ajoute-t-il. Il observe que la région connaît également un problème d'évasion de cerveaux et de capitaux. La confiance, « y compris monétaire », ne sera rétablie, selon lui, qu'avec la démocratie, un Etat suffisamment crédible pour être le garant des libertés, la formation naturelle des élites et leur intégration dans l'économie. « Les mots démocratie, liberté, réussite sont dans toutes les bouches (...) Dans le Maghreb, comme en bien d'autres endroits, les pouvoirs ont bien compris que ces mots plaisaient aux puissances occidentales », relève Abderrahmane Hadj Nacer. En conclusion, les auteurs de l'ouvrage proposent une série de réformes avant de mettre en œuvre le projet de Sarkozy, comme la création d'un forum méditerranéen de l'agriculture, le doublement des capitaux alloués au partenariat euroméditerranéen, la création d'un observatoire des investissements et la mise en place d'une banque pour le développement de la Méditerranée... A noter, enfin, que le Cercle des économistes français a publié en France deux grands ouvrages : Politique économique de droite, Politique économique de gauche, Un monde de ressources rares...