La capitale croule sous les ordures. Des dangers sur la santé humaine sont à redouter. Quelles seraient, de votre point de vue, les conséquences de cette situation ? Il n'y a pas malheureusement que la capitale qui croule sous les ordures. Ce sont toutes les villes d'Algérie qui sont touchées par ce problème. J'ai eu à constater cela dans le cadre de mes enquêtes menées à travers les petites et les grandes villes du pays . Effectivement, il y a des endroits où la propreté n'est pas totale. Le danger est réel sur le plan sanitaire. D'importantes quantités d'ordures et autres déchets favorisent la prolifération des rongeurs, des rats et des moustiques. Souvent dans les ordures, on retrouve des bouteilles en plastique contenant des quantités d'eau. Ce qui permet aux moustiques de bien se développer. Et ces moustiques sont source de maladies. En dehors de cela, les ordures sont déjà source d'infections. A ce moment-là, des maladies émergentes jamais connues ou décrites en Algérie peuvent survenir dans le pays comme l'arénavirus. Un groupe de virus transmis par le rat qui donnent des épidémies peut aussi émerger et provoquer des dégâts. On a bien vu la peste qu'on croyait totalement disparue réapparaître il y a quelques années. Cette dernière est transmise à l'homme par les puces des rats. Vous avez évoqué le risque que représentent les moustiques dans l'apparition de certaines maladies. Est-il possible de voir certaines maladies tropicales en Algérie ? Au lieu de parler de moustiques, il faut plutôt dire des arthropodes qui sont vecteurs d'épidémies meurtrières et donnent des fièvres hémorragiques. Ceux qui sont à l'origine par exemple de la fièvre jaune provoquée par un insecte qu'on appelle aedes aegypti, le paludisme et le chikungunya, une maladie infectieuse, provoquée par le moustique aedes albopictus qu'on appelle le moustique tigré. Ce moustique est apparu à la suite d'un trafic de pneus dans lesquels il y avait de l'eau en Italie. Son arrivée en Algérie n'est pas à écarter. Ce qui m'inquiète le plus, c'est la dengue. Ce n'est pas une vue d'esprit mais je rappelle qu'une épidémie a touché l'Algérie en 1828. Elle a coïncidé avec les inondations. Cette maladie peut être provoquée par quatre types de virus considérés comme les plus importants des virus transmis à l'homme par des arthropodes. Elle touche des millions de personnes chaque année et provoque beaucoup de morts. Des groupes de nouveaux virus peuvent aussi devenir célèbres dans quelques années... Des agents pathogènes tropicaux peuvent monter vers le Nord avec les changements climatiques. L'urbanisation et les changements climatiques vont aussi favoriser le développement de ces maladies. Il y a lieu de s'inquiéter et de se préparer à faire face à cette situation qui risque d'être catastrophique. L'Algérie doit se préparer à affronter ce type de maladie. Quelle est l'origine du syndrome néphrétique qui a touché 98 personnes à Sidi Bel Abbès l'été dernier ? Peut-on parler d'un nouveau virus ? A Sidi Bel Abbès, il y a sans doute eu des rats à l'origine de l'épidémie qui a sévi pendant un mois. Malheureusement, nous n'avons pas pu confirmer ce lien parce que dès le début, l'équipe de là-bas, qui est remarquable, a utilisé des raticides qui ont détruit une bonne partie des rats. Sur ceux que nous avons ramassés, nous n'avons pas pu mettre en évidence ce type de virus qui est très difficile à isoler. Ce virus a démarré en Corée en 1951 et a touché énormément de personnes et il a été par la suite isolé en 1978. Pourquoi les résultats des analyses des prélèvements ont pris autant de temps ? Il faut savoir qu'il s'agit d'une maladie inconnue. Nous n'avions pas les rats types. Ceux que nous avons reçus n'étaient pas bons et pour pouvoir confirmer notre diagnostic nous les avons soumis à un laboratoire spécialisé à Marseille et en Slovénie, où il y a un centre de recherche international sur les maladies associées aux rats. Ensuite, il faut procéder à l'isolement qui doit se faire dans un laboratoire de haute sécurité qu'on appelle P3 que nous n'avons pas encore Algérie. Il est en construction au niveau de l'annexe de l'IPA à Sidi Fredj. Nous n'avons pas le droit de faire l'isolement ici, nous l'avons alors demandé au centre spécialisé de Marseille du Pr Raoult qui vient de commencer les travaux sur les prélèvements. Qu'est-ce qu'il y a lieu de faire pour justement prévenir et faire barrage à toutes ces maladies ? La solution se trouve d'abord dans l'information et la formation des médecins, des services de santé, des vétérinaires. Il est aussi urgent que les services compétents agissent au niveau de tous les aspects liés à l'hygiène, éliminent les rats et combattent les moustiques. L'utilisation des raticides et des insecticides n'est pas toujours efficace, puisque des résistances se développent.