Le président Bouteflika a choisi l'attaque à la défense pour répondre à la question désarmante du journaliste italien de l'agence Ansa qui l'interrogeait à la veille de son voyage en Italie. Le confrère italien attendait peut-être une réponse tranchée, arracher un scoop de la bouche du Président le poussant à abattre ses cartes en affichant clairement ses intentions politiques à l'issue de son mandat présidentiel. Autrement dit s'il compte prendre sa retraite politique ou s'il est partant pour un nouveau bail présidentiel. A une question à l'italienne, sans fard ni fioriture, bousculant même quelque peu les règles de la bienséance en lui demandant s'il avait pensé à un « héritier », Bouteflika a fourni au journaliste une réponse à l'algérienne, c'est-à-dire en demi-teinte. En soulignant qu'il respectera en toutes circonstances « la souveraineté populaire et les modalités pratiques par lesquelles elle s'exprimera » Bouteflika a pour certains tout dit et pas assez pour d'autres. Bouteflika attendait sans doute cette question qui est scrupuleusement évacuée du débat politique compte tenu de l'état de santé du Président. Ses réponses où chaque mot est mesuré et soupesé paraissaient manifestement préparées à l'avance. Au-delà de la lecture que les uns et les autres pourront faire de cette déclaration sibylline pour tenter de cerner le message codé délivré par Bouteflika sur la suite de sa carrière politique après 2009, il reste qu'en entretenant le flou sur cette question à quelques encablures des prochaines présidentielles le président de la République verrouille complètement le jeu institutionnel en demeurant seul maître du jeu et des joutes électorales dans la perspective des prochaines présidentielles. En maintenant le suspense et le voile sur son éventuelle candidature, il entend ainsi être seul à décider du timing du lancement de la pré-campagne électorale pour ne pas avoir à donner des gages à d'éventuels candidats potentiels de se lancer dans la course électorale dès à présent et de l'entraîner ainsi dans une compétition électorale avant l'heure et surtout physiquement éprouvante pour sa personne compte tenu des délais qui nous séparent de cette échéance. Un challenge qu'il lui sera difficile de relever et d'affronter dans la mesure où il ne se trouve plus aujourd'hui dans les mêmes dispositions pour battre campagne et parcourir de part en part le pays comme il l'avait fait lors de la dernière élection présidentielle où il était parti en précampagne électorale plusieurs mois avant le lancement officielle de la campagne électorale. Son destin politique est tributaire de son état de santé. La décision de rester ou non aux affaires n'est pas seulement une question de volonté personnelle. Elle est aussi et surtout conditionnée par son état de santé ainsi que par l'appréciation que ses soutiens dans les cercles du pouvoir qui ont adoubé sa première et sa seconde candidatures feront de cette équation. Cette problématique pèsera sans doute de tout son poids quant à la manière dont le débat sur la succession sera tranché. Le reste, le bilan du mandat de Bouteflika et la question des équilibres et du candidat consensuel du pouvoir qui sont des paramètres déterminants dans le choix du candidat du pouvoir apparaissent cette fois fois-ci comme quelque chose d'accessoire devant cette question lancinante que personne n'ose ouvertement aborder pour savoir si Bouteflika possède encore les ressources physiques nécessaires pour assumer les charges présidentielles pour cinq autres années s'il est réélu. En maintenant ainsi le suspense sur sa candidature Bouteflika piège la classe politique et partant les prochaines présidentielles en ne permettant pas l'émergence d'un débat politique de fond sur cette importante échéance et aux candidats intéressés d'investir le champ politique et de s'y préparer dans les meilleures conditions. Dans les pays démocratiques, la course électorale pour n'importe quelle élection est une donnée permanente et transparente de la vie politique. Les candidats à la présidentielle comme ce fut le cas par exemple pour les dernières élections en France se font connaître parfois une année à deux années à l'avance. L'élection présidentielle dans les pays politiquement corrects est un voyage au long court. Ce n'est pas une simple coquetterie politique, une formalité technique.