Le premier sommet italo-algérien, tenu en Sardaigne, a atteint presque tous ses objectifs, à en croire le chef de la diplomatie italienne qui a qualifié l'accord signé hier pour la réalisation du deuxième gazoduc Galsi comme étant « un accord exemplaire entre l'Europe et la rive sud de la Méditerranée en matière d'énergie ». Alghero (Sardaigne). De notre envoyée spéciale Sous une pluie légère, le chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika a fait son apparition, hier matin, place Civica, au centre de la ville catalane de Alghero, aux côtés de son hôte Romano Prodi. Accueilli solennellement par l'historique bataillon Sassari (du nom de la ville sarde), M. Bouteflika a eu droit à une interprétation magistrale de l'hymne national, ensuite à des applaudissements chaleureux de la foule rassemblée derrière les barrières de sécurité, dressées sur la place de la municipalité de Alghero. Ne résistant pas à l'envie de rendre aux badauds réunis pour l'occasion leur amabilité, le président de la République s'est donné à cœur joie à un bain de foule bienfaisant, provoquant un mouvement de panique parmi les membres du service de sécurité, qui ont dû déplacer le cordon de sécurité pris de court par cette imprévue entorse au protocole. Plus tendu, car aujourd'hui son gouvernement affrontera un fatidique vote sur la loi de finances, au Sénat où la coalition de gauche dispose d'une petite majorité, M. Prodi n'a pas dérogé tout de même aux devoirs de maître de maison. Accompagné des titulaires de ses cinq ministères-clés, le président du Conseil italien tenait à la réussite d'un sommet, réservé en général aux seuls chefs d'Etat européens. Après un long entretien tenu au palais municipal, et avant de se séparer, les deux hommes ont assisté à la signature, par les deux ministres compétents, Chakib Khelil pour l'Algérie et Pier Luigi Bersani pour l'Italie, de l'accord intergouvernemental pour la réalisation du deuxième gazoduc reliant la Sardaigne à l'Algérie. Avant 2012, le Galsi (Gazoduc-Algérie-Sardaigne-Italie) pourra acheminer 8 milliards de mètres cubes de gaz naturel, par an, vers l'Italie, via la Sardaigne. Le ministre italien pour le Développement économique, Pierluigi Bersani, a été jusqu'à considérer la signature de l'accord « un événement historique », expliquant que cela « permettra d'augmenter les infrastructures d'approvisionnement et le nombre de sociétés italiennes qui importent le gaz algérien ». La société Galsi est constituée par Sonatrach, groupe majoritaire avec 36%, ensuite par les sociétés italiennes qui se partagent le reste avec 18% pour Edison, 13,5% pour l'Enel, 10% pour la région sarde avec la société financière Sfirs, 9% pour Hera Trading et 13,5% pour la société allemande Wintershall. Sonatrach pourra commercialiser de manière indépendante, en Italie, 3 milliards de mètres cubes de la quantité acheminée jusqu'en Toscane. Construit sur une longueur de 900 km (dont 600 km offshore), le gazoduc Galsi représente un véritable joyau technologique en matière de canalisation assurant le transport de gaz sous haute pression, sur une grande distance. Car son segment sous-marin, long de 250 km et qui reliera la Sardaigne à la Toscane, atteindra une profondeur record de 2800 m sous le niveau de la mer. Ce nouveau tronçon permettra à l'Algérie d'augmenter de 20% son énergie gazière commercialisée sur le marché européen. L'Europe se base sur la consommation du gaz pour 25% de ses besoins en énergie. Les Sardes, avec à leur tête le président de la région, Renato Soru, qui appartient au Parti démocrate (PD), sont fiers de ce grand projet, surtout qu'il viendra réparer la grave injustice dont ils sont encore victimes : leur île est le seul bout de terre de la péninsule à ne pas être encore reliée au réseau italien de distribution du gaz méthane. De plus, la réalisation des travaux du Galsi devrait porter prospérité et création de poste de travail pour les Sardes, qui participent à hauteur de 10%, dans le consortium Galsi, à travers la société Sfirs. Un éditorialiste du quotidien local, l'Unione Sarda, faisant un subtil jeu de mot sur le phénomène des harraga qui débarquent régulièrement sur l'île, écrivait dans l'édition d'hier : « Il est algérien, il vient par la mer, il débarque sur les côtes sardes, mais personne n'a envie de le renvoyer chez lui. C'est le gaz méthane qui arrivera sur l'île en 2012. » Mais outre l'augmentation du volume du gaz importé de l'Algérie, et qui atteindra 40 milliards de mètres cubes par an, une fois le Galsi achevé, soit 50% des besoins en énergie gazière de l'Italie, estimés à 90 milliards, le partenariat entre les deux pays méditerranéens s'étend à d'autres domaines. D'abord celui névralgique de la sécurité et de la lutte du terrorisme, où tous les alliés sont les bienvenus. Le ministre des Affaires étrangères italien, Massimo D'Alema, lors de la conférence de presse qu'il a tenue hier avec son homologue Mourad Medelci, a annoncé que son collègue du gouvernement Prodi, chargé de la défense, Arturo Parisi, se rendra à Alger au début de 2008. D'Alema s'est ensuite félicité du soutien que Bouteflika s'est engagé à porter au moratoire pour l'abolition de la peine de mort dans le monde, que le gouvernement italien tente de faire approuver par le Conseil de sécurité de l'ONU. Concernant le conflit au Sahara occidental, M. Medelci a affirmé apprécier la position italienne. Convergence, solidarité réciproque et confiance mutuelle, ont été les termes employés par les membres des deux délégations pour passer en revue les points figurant dans la déclaration finale conjointe.