A Lourdes, l'assemblée plénière de la Conférence des évêques de France (CEF) a abordé la question des relations avec les musulmans. Cette préoccupation n'est pas une nouveauté. Elle avait été mise au premier plan il y a déjà une dizaine d'années. Depuis, beaucoup de choses ont évolué. Ce n'est pas une prise de conscience, c'est une actualisation », a ainsi pu dire Michel Dubost, évêque d'Evry et président du groupe de travail Catholiques et musulmans dans la France d'aujourd'hui, installé par la CEF en 2006 à l'issue de sa précédente plénière des évêques. « Il s'agit de réfléchir comment une église peut être prête à un dialogue éclairé, lucide, et favoriser une société de dialogue », a insisté le prélat. Dans les attendus de ce dialogue voulu par l'Eglise catholique, l'air du temps a tout bouleversé, jusqu'à employer des termes de « craintes » et de « peurs » : « Devant les évolutions de l'Islam en France et les répercussions de ce qui se déroule dans le monde musulman, retransmis en particulier par les médias, nous constatons que des craintes, voire des peurs se développent parmi les citoyens français et plus particulièrement parmi les communautés catholiques et certains de leurs pasteurs ou agents pastoraux. » La réaction peut conduire au repliement et au refus de l'échange. Pour éviter cela, il s'agit avant tout de répondre à deux questions posées : « Comment affirmer l'identité chrétienne sans crispation identitaire ? » « Comment former les catholiques et les pasteurs à cette attitude ? » Autrement dit, avancer dans la rencontre oui, mais les catholiques ne veulent plus se contenter de commisération, ni d'à-peu-près. « Il convient d'éviter tout simplisme », est-il d'ailleurs écrit noir sur blanc ! Le dialogue doit s'adapter aux réalités sociales : « En France, l'Islam devient visible, s'installe et passe peu à peu d'un Islam en France à un Islam de France. Plus de 50% des musulmans étant citoyens français, on ne peut plus considérer les musulmans comme des immigrés. Les plus jeunes se disent ‘'Français de confession musulmane''. » La relation se transforme Si l'Islam est l'alter ego incontournable, la relation se transforme : « Quatre à cinq millions de personnes résidant en France sont de culture ou de tradition musulmane. Ces personnes ne sont pas seulement originaires du Maghreb, mais aussi d'Afrique subsaharienne, de Turquie, d'Asie du Sud-Est. » Le rapport met aussi le doigt sur le fait politique de la constitution d'une représentation institutionnelle (Conseil français du culte musulman, Conseil régional du culte musulman). L'assemblée des évêques a entendu les rapporteurs dire que « c'est au quotidien (école, quartiers, travail, universités…) que des catholiques côtoient des musulmans ; de ce fait, de nouvelles questions pastorales surgissent : multiplication des mariages entre personnes appartenant à des traditions différentes, multiplication des conversions dans les deux sens, sollicitations faites aux responsables religieux de la part des autorités publiques pour intervenir dans le lien social ». Tout est chamboulé, et tout doit donc être mis sur la table. Invité, Claude Rault, évêque de Laghouat, vit depuis des années la relation interreligieuse en acte, mais en Algérie, en tant que « chef » d'une minorité chrétienne au milieu d'une majorité musulmane. L'inverse de la France. Il a déclaré qu'« on ne dialogue pas avec ‘'l'Islam'', de même que les musulmans ne dialoguent pas avec ‘'le christianisme'' ou avec le ‘'catholicisme''. Nous dialoguons avec ‘'des'' musulmans, et cela se fait à tous les niveaux. Le plus urgent étant celui de la convivialité ». Le nouveau président de la CEF, élu pour trois ans, l'archevêque de Paris, André Vingt-Trois (il sera « créé » cardinal le 24 novembre), a conclu les travaux en affirmant que l'identité forte de son Eglise, point de départ de tout dialogue : « Notre identité ne se définit pas par le besoin de nous distinguer d'autres identités ni de leurs manifestations. C'est précisément notre foi qui nous appelle à rencontrer les autres croyants sans angoisse. » Un vrai challenge du quotidien pour les chrétiens et les musulmans appelés à vivre ensemble tout en conservant ce qui fait l'authenticité de chacun.