En insérant un poème dédié à l'artiste peintre Baya, Hadj Mohamed Sassi Khadidja plante d'emblée le décor de son oeuvre intitulé « L'échelle pour voir » dans un univers fantasmagorique, comme l'étaient (ils le sont toujours) les mondes « souterrains » donnés à voir dans la foisonnante œuvre picturale. « Chevalet décryptant la magie / Dans ce drapé affectueux je retrouve / Le cadre d'une chaumière imprenable / Mes pas dans la poussière de la nuit / Le sens d'une traversée en cavale (….) » Ce breuvage de l'inconscient caractérise donc aussi les poèmes de Khadidja chez qui des volcans en joie charrient des spores, les fenêtres peuvent être affamées et les gares avoir des griffes. Ces images d'apparence infantiles traduisent cependant, peut-être en réalité, le souci de la poétesse d'explorer ses propres abîmes dans lesquels les fées accompagnent souvent les démons. Dans réminiscences, elle balaie d'un revers de main et résume en cinq vers la théorie bachelardienne de la rêverie des 4 éléments : l'air, le feu, la terre et l'eau. « Leurs puits sevrés par le feu de la terre/ Que nous reste-t-il de nos oiseaux/ chantant chacun à sa manière son air/ de la lenteur de leurs ailes/ leur supplice scandé par les eaux. » Le thème de l'enfance est cependant présent avec force dans ce recueil où la poétesse s'essaie également à ce qui peut s'apparenter à une écriture automatique, quand retrouve dans Les arbres ou Ma bulle. Revendiquant son africanité, Khadidja évoque également dans un long poème intitulé l'histoire de la perle, Louisette Ighilahriz pour, d'une part, rendre hommage aux combats libérateurs mais aussi pour rester dans la thématique de la réminiscence, douloureuse pour ce dernier cas. « Faisons nos ablutions pour transformer les stigmates de nos naissances en ouchem vainqueur dans notre commune mémoire. »