Couleurs n Tout commence chez Kahlan Abderahmane, un artiste peintre, dont le vernissage de l'exposition est prévu le 1er novembre, à l'hôtel Sofitel, par une révélation. Une voix lui chuchote le cheminement à suivre, lui inspirant le périple à entreprendre. Tout commence par une aventure qui le mène à explorer, encore et encore, son for intérieur, et aboutir à un imaginaire accort, équilibré, onirique. L'artiste construit son monde à base de couleurs qui, elles, constituent les fondements même de sa création. Tout est dans les couleurs, chaudes et chatoyantes, éclatantes, belles et séduisantes, et autour desquelles s'organise son sujet, se développe sa thématique et se précise son esthétique, le tout se dit dans une poétique moirée – et miroitante. L'aventure picturale de l'artiste commence lorsqu'il s'empare de la surface du tableau. Il la conquière, l'investit de couleurs jusqu'aux moindres recoins. Il l'étale, la recouvre de couches diverses qui, elles, se disposent de manière successive. Les couleurs s'amoncellent alors en stratification, créant ainsi divers niveaux, dont chacun renvoie à un réfèrent type et à un subconscient en rapport avec les sentiments, les siens, les plus retenus, ceux qui sont refoulés dans son arrière-moi et qui n'émergent qu'à l'instant où le processus de représentation se met en marche. Mais celle parmi ses peintures qui s'avère la plus attrayante est celle qui a pour titre Les musiciens. C'est une peinture exceptionnelle qui, parmi toutes, interpelle le regard et capte l'intérêt parce que sa composition est originale. Deux personnages, une femme et un homme, occupent grandement l'espace ; la femme est placée au devant, en premier plan, alors que l'homme, placé en hauteur, arrive, derrière, en arrière-plan. Tous deux sont artistes, une musicienne – elle tient dans sa main un instrument à cordes qui, à première vue, ressemble à une kouitra – et un comédien – il porte sur lui les atours des planches. Il fait rappeler dans ses habits à un comédien de la commédia dell'arte. En haut, et sur le côté , un soleil brille au firmament, répandant ses rayons et diffusant sa lumière diaphane, créant ainsi une ambiance aérée et originelle. Autour d'eux une combinaison florale polychrome, composée et dédaléenne, qui confère au décor un air de nature vivante et de jardin aux senteurs parfumées. Cette peinture se présente comme un bel assemblage correct et homogène de morceaux de verres, dont chacun comporte un motif, revêt une couleur ou une variante de tons, et qui, une fois les éléments disparates sont adroitement réunis et ajustés dans un bel habillage joli et élégant, le tableau donne à voir une représentation d'un imaginaire truculent, en mouvement, plein d'entrain, de vitalité, et de joie – il y a foisonnement et exaltation des couleurs, couleurs excessives et fougueuses. Cela créé splendeur et richesse visuelle. L'artiste travaille la surface du tableau de la même manière – ou presque – que le vitrail ; c'est à partir de bouts et de pièces qu'il construit, fragment par fragment, le reflet de ses rêveries, celui qui se révèle dans un onirisme incarné. Ainsi, la peinture se présente tel un vitrail, composée d'une multitude de coloris, traversée, de part et d'autre, de la lumière du jour, ensoleillée et euphorique. l Les peintures de l'artiste, toutes évocatrices de l'ailleurs et du fantasmagorique, suivent ce même cheminement et raisonnement menant vers l'idéal esthétique quêté, esthétique par laquelle ce dernier exprime des sentiments. Effectivement, l'artiste exprime, d'une peinture à l'autre, ce qu'il voit dans ses songeries et aussi ce qu'il sent ; et ce qu'il sent est profond, intérieur ; des sentiments intenses l'animent, le motivent dans un élan d'ivresse et d'abondance créatrice. Cette intensité est perceptible dans le choix des couleurs qui, elles, renvoient à tout instant à cet Orient polychrome, passionnément incarné dans sa splendeur et son faste légendaire. Effectivement, l'Orient, celui rêvé ou fantasmé, exalté ou mythifié, représente en tous points la source dans laquelle l'artiste puise son inspiration comme s'il s'en abreuve pour étancher sa soif de créer. Il constitue le moteur de sa production artistique. Il y a de l'éclat, du furia, du faste, de l'insolite, de l'émerveillement, ou encore du beau. En somme, c'est un Orient de goût et de noble que l'artiste s'emploie à illustrer, un Orient semi-conscient, celui qui sommeille en soi, qu'il œuvre à cristalliser avec autant de raffinement que de légèreté. Tout est dans le geste, franc, direct et droit.